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Anchor 14062015

Des Môles pour une idole des Maures

Une accroche publicitaire avait suffit à me décider à l’acheter. La boutique venait d’ouvrir ses portes en plein centre ville de Madrid.

Un groupe de musique avait même été invité pour l’occasion. Les hauts-parleurs , placés sur des estrades, crachaient des hurlements de métalleux.

Les affiches sur la devanture du magasin indiquaient des prix qu’aucune franchise historique ne pouvaient appliquer, même pour une ouverture.

A 8 heures tapantes, les portes s’ouvrirent et tous se ruèrent à l’intérieur du magasin. Coincée entre une bourgeoise d’une cinquantaine d’années et un homme au corps bodybuildé et imprégné d’eau de toilette à l’odeur insupportable, je due prendre mon mal en patience pour me frayer un chemin.

Arrivé devant les portes au bout de dix minutes, mon smartphone sonna.

- Allô ? Oui chéri, tu les as acheté ?

- Oui, et toi ? Tu es devant le nouveau magasin ?

- Oui, la foule est impressionnante. Je vais devoir raccrocher avant que mon téléphone n’explose par la pression de mes voisins. Je t’appelles quand je les aurais acheté.

Je mis fin à la conversation et me plaça devant l’immense panneau.

Il indiquait, pour chaque étage, les points de vente et les rayons pour chaque produit.

La recherche fut finalement plus aisée que je ne l’imaginais et pris l’ascenseur, direction le 42ème étage.

Nous étions une trentaine à l’aise dans la cabine, certains avaient rempli leurs sacs de bouteille d’eau et de fruits. Je m’adressai alors à un homme qui avait un de ses sacs.

- Vous avez bien beaucoup de bouteilles et de fruits. Vous comptez y rester longtemps ?

- Tout à fait, madame, le Roi nous a ordonné d’y rester la semaine, afin de combler notre retard.

- Quatre années sans offrande, çà n’a pas plu au Roi, répondit une femme juste à côté de lui.

Nous arrivâmes à destination. Je leur souhaitai une bonne semaine.

Je sorti la liste de ce qu’il me restait à acheter. 

Un nouveau panneau, plus petit cette fois, indiquait, pour chaque pièce, les couloirs à emprunter pour se diriger vers les rayons. Un homme s’approcha de moi, un scanner à la main.

- Bonjour, madame, veuillez me montrer votre liste.

Je lui tendit le papier. Il flasha le QR Code et l’écran de sa montre afficha ce que j’avais à acheter.

- Empruntez le couloir C, puis cinquième porte à gauche. Bonnes courses.

Je récupérais ma liste. Un panier, fixé à une tyrolienne, glissa sur un rail. Je pris le panier, qui contenait un scanner portatif, ressemblant à celui qu’avait le contrôleur.

Arrivée à la cinquième porte, un nouvel écran affichait une carte des rayons, ainsi que le nombre de produits restants par marques et par rayons.

La porte s’ouvrit automatiquement et je pénétrai dans la salle des rayons. Une statue de trônait au centre de la salle. Je pris la direction du rayon poissons.

En musique de fond passaient divers airs de musique, qui me rappelaient notre dernier pique-nique, il y a quatre ans, avant que le Roi ne les interdisent. 

Il avait transformé notre aire de repos en ce complexe commercial immense.

Un peu perdue, je m’adressai à un conseiller.

- Excusez-moi, pourriez-vous m’indiquer où trouver le poisson-lune ?

- C’est assez loin d’ici, les poisson-lune sont à 1276 kilomètres d’ici. Souhaitez-vous y aller à pied ou par téléportation ?

- Je dois rentrer assez vite chez moi, je veux bien la téléportation.

- Accrochez-vous à moi, s’il vous plaît.

Une fois fixée par l’anneau, je fut amené à une vitesse prodigieuse sur une plage, rempli de stand de poissons. 

- Dirigez vous vers le parasol vert et vous serez au rayon des môles. Bonnes courses.

Une fois le poisson acheté, il fallait également le découper sur place, comme prévu sur la liste.

De retour à la maison une heure plus tard, nous fîmes le compte de ce que nous avions acheté.

- Nous sommes maintenant prêt, dis-je à mon mari.

La grande cérémonie d’offrande au Roi eu lieu un mois plus tard et tout ce que nous avions acheté fut déposé au pied de la statue, qui nous remercia et nous octroya dix années de vie supplémentaire.

 

L. P.

Black and White Pudding

Anchor 22062015

Les couronnes de fleurs s’accumulaient au fur et à mesure que la foule de plus en plus grande se recueillait sur sa tombe. L’annonce de son décès avait provoqué l’émoi au sein de la communauté noire. Même s’il l’avait quitté pour devenir président, il n’en restait pas moins un membre. Un hommage poignant fut rendu par le pasteur Benjamin Houston, dit Big Ben. Il entama son discours par son arrivée chez les Black Patriots.

- Du haut de ton mètre soixante-cinq, tu ne payais pas de mine mais ton audace et ton sang-froid nous avait convaincu que tu avais ta place parmi nous.

Tu savais qu’il ne fallait pas juger l’autre si tu voulais t’en faire un allié, alors tu prenais le temps de connaître chacun d’entre nous.

Pendant vingt ans, à la tête du parti puis de la Maison Blanche, ton ambition était de porter notre parole au sommet de l’échelle politique. Que ta famille se rappelle de toi pour toujours.

  Le serment d’honneur fut prononcé et, une fois, le cercueil déposé au fond de la tombe et recouvert de terre, le banquet pouvait s’ouvrir.

Ils n’avaient pas lésiné sur les plats les plus raffinés. En hommage à ses origines anglo-saxonnes, ils avaient prévu des plats typiques, tel le fameux « fish and chips ». 

Un journaliste, le seul à avoir été convié à l’enterrement, s’entretenait avec quelques-uns des membres les plus importants des Black Patriots.

- Quel message souhaitez-vous faire passer aux téléspectateurs qui ne connaissent pas le passé de notre défunt président ?

Il venait de s’adresser au président actuel des Black Patriots. Celui-ci prit un temps de réflexion. Puis s’adressa solennellement à la caméra.

- Je fais le voeu que chaque américain, blanc, noir, d’origine asiatique ou européenne, sache à quel point cet homme était destiné à servir autrui.

En dix ans, il a réussi à empêcher notre pays à ne pas rester figer dans la crise actuelle, ce que nous envie encore aujourd’hui les pays du Vieux Continent.

Le temps est venu pour eux de comprendre que, sans un leader à l’écoute de ses semblables, leurs habitants continueront à vivre dans la peur et le rejet de l'autre.

- Vous faites sans doute allusion à cette vague d’agressions qui a eu lieu pendant une manifestation d’étudiants anglais noirs.

- Oui. Je trouve regrettable que des citoyens, qui, malgré leurs origines, cherchent à s’intégrer en apprenant à apprécier la culture de leur hôte, comme la musique punket se retrouvent la cible de l’intolérance et du racisme.

- Merci monsieur le président. Encore toutes mes condoléances.

Il s’adressa à un de ses anciens camarades de propagande :

- C’était plus qu’un camarade, il était comme un frère. Au début, quand nous avons commencé à placarder nos affiches avec lui, il se montrait différent des autres. Pendant les pauses, il s’avalait sa soupe de petits pois à la menthe et nous, qui mangions nos hamburgers et nos frites, le prenions pour un mec précieux.

Cela dura une semaine.

Un jour, alors que nous reprenions le travail, je lui dis : « Tu ne veux vraiment pas manger comme tout le monde ? » C’est alors qu’il me dit : « Si tu veux parler de ma soupe, c’est juste parce que ma mère en a fait trop. J’en mange pour lui faire plaisir mais je n’en raffole pas. Je préfère largement un bon hamburger. »

Nous comprîmes alors qu’il avait su s’intégrer à nos us et coutumes sans renier les siennes, tout comme sa famille, dans un pays où la ségrégation et le conformisme étaient une obligation.Car, être né de père américain et de mère anglaise, qui elle-même avait des origines françaises, vous condamnait à l’exclusion ou, au mieux, à l’indifférence. Notre cause a donc pris une autre dimension, qui s’écartait d’une culture noire unique que nous prônions à nos débuts pour nous orienter vers des messages de tolérance et de droit à la différence.

Le droit à la multi-culturalité assumée qu’il défendait fit écho à d’innombrables jeunes, qui venaient de familles noires qui avaient fui la misère et la ségrégation en Angleterre et rêvaient de l’Eldorado aux Etats-Unis.

Très vite, il fut désigné porte-parole auprès des médias puis, lors des élections au sein de notre communauté, devint président à l’unanimité.

- Ce qui l’amena à se présenter aux élections présidentielles de 1968 et de les remporter.

- Tout à fait. L’Amérique vient de perdre plus qu’un président, elle a perdu celui qui a rendu le rêve de tout homme réalité : vivre heureux avec son prochain

Soudain, une musique retentit dans la salle de réception. Les premières notes du « God Save the Queen » résonnèrent et furent accompagnées par un groupe de gospel puis par toute l’assemblée.

- Pour finir, avez-vous une autre anecdote à nous donner sur lui ?

- Bien sûr. Il m’a un jour affirmé que, de toutes les recettes anglaises qu’il connaissait, il n’y en a qu’une seule qu’il n’aimait pas reproduire : la marmelade d’orange, à cause de l’amertume des oranges.

 

L.P.

 

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