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Rien à gauche, rien à droite. Les courants d'air se sont maintenant estompés. Je me retourne vers les autres.

- Bon, je pense qu'on peut y aller. C'est parti !

- Attends, j'en vois une qui arrive.

- Tu plaisantes ou quoi ? 

- Non, écoutes.

En prêtant l'oreille, je reconnu un bruit familier. Une Cadillac, sans doute.

J'avais déjà croisé des Cadillac quand j'étais jeune. Leurs chromes étincellants, leur peinture toujours impeccable, j'en rêvais.

Celle-ci était d'un bleu clair peu conventionnel. Une créature de rêve était assise à la place du conducteur. Ses cheveux scintillaient dans les airs et dans les reflets de la portière. Le vrombissement du moteur me faisait tressaillir le coeur.

- Tu te fais du mal, arrêtes de rêver et penses plutôt à la mission.

- Je sais, je sais, soupirais-je.

Je me ressaisissais. Il fallait assurer coûte que coûte. La cible était à environ 200 pieds. Il suffisait de traverser la nationale.

Mais aucun d'entre nous n'imaginait réussir et nous avions dû dompter la peur de nous affirmer individuellement par un esprit de groupe exacerbé.

C'est alors qu'une voix se fit entendre.

- Laissez tomber, nous n'y arriverons jamais. C'est perdu d'avance.

C'était le plus vieux de la bande. On l'appelait "le Dépanneur" , car il avait toujours une idée pour nous sortir de situations peu flâtteuses. Il avait mis en pratique ses talents pas plus tard qu'hier matin.

- Je crois que c'est clair, cela fait plusieurs heures qu'on essaie d'y aller et je suis convaincu qu'on veut nous mettre des bâtons dans les roues. J'ai d'ailleurs une idée de qui pourrait nous en vouloir et c'est l'un d'entre nous.

- Tu deviens parano. Mais tu penses à qui ?

- A lui , dit-il en me pointant du doigt. Ton air chafouin t'a trahi.

Il avait vu juste , et je devais à tout prix m'en débarrasser.

- Si tu te crois malin, pourquoi tu n'as pas trouvé une idée pour nous faire traverser ?

Je sentis dans son regard de l'hésitation.

- Tu me provoques ?

- Non, j'essaie d'être lucide sur la situation. Mais je t'en pries, à toi l'honneur.

J'avais marqué un grand coup. Après quelques secondes de réflexion, il se mit à ma hauteur et m'écarta d'un geste sûr.

- Ce n'est quand même pas compliqué, regardez bien.

A peine avait-il fait quelques mètres qu'une moto arriva à tombeau ouvert et vint le percuter. 

- Vous voyez, je ne le fais pas exprès de prendre le temps. D'ailleurs, on peut dire qu'à vouloir trop piaffer, ça lui a coûté des plumes.

Les plus jeunes se mirent à rire.

- Ca suffit, j'en ai assez de ces enfantillages. Il faut trouver une solution, et vite ! 

Un silence pesant s'installa. La circulation avait repris de plus belle et l'air devenait nauséabond.

- Je crois avoir une idée, dit une des nouvelles recrues. Nous essayons de traverser à pied mais ne serait-il pas plus pratique d'y aller par la voie des airs ?

- Tu es fou ? Personne n'a osé faire ça ! dis-je.

Mais à peine avais-je prononcé cette phrase qu'un éclair me traversa l'esprit. 

- Il a raison, nous n'avons jamais fait ça. Essayons cette méthode.

Nous agitâmes des bras et le miracle se produisit : nos corps furent instantanément portés dans les airs.

Pour la première fois, nous arrivâmes de l'autre côté de la route. Notre mission pouvait enfin commencer.

Depuis ce jour, notre héros dirigeait la tête du groupe.

 

 

L.P.

Un oiseau de bon augure

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