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Le repère venait d'être découvert et l'équipe de déminage prit les précautions d'usage.

Pourtant, un homme n'avait toujours pas quitté sa maison. Il était seul sur un rayon de deux kilomètres.

Pas un chat. Seul et lui seul. Les voitures s'étaient tues, le chant des oiseaux remplaçait le bruit des pneus sur le bitume.

La lumière des réverbères s'était éteinte. L'homme, qui attendait son arrivée face à sa fenêtre pour sortir son chien, aller au parc et se poser pour lire un livre, dû se rendre à l'évidence : la ville punissait les résidents récalcitrants au départ.

Tous les soirs pourtant, il recevait un coup de téléphone de la mairie de Julin-les-Poix, qui lui ordonnait de faire venir l'huissier s'il ne quittait pas les lieux.

- Monsieur, n'allez surtout pas imaginer que j'ai une dent contre vous, je le fais pour le bien des habitants qui ont du tout quitter pour trouver refuge chez des amis, des parents. 

- Ils ne sont pas partis, vous les avez jetés hors de votre ville pour y faire construire l'immobilier que vous souhaitez.

- Ne croyez pas que je veuille chicoter avec vous, monsieur Urses. Mais l'urgence est la même pour tout le monde, pour vous comme pour moi. Plus vous restez chez vous, plus tard nous risquons de remettre en état notre ville. 

- Je ne veux rien savoir, je suis chez moi et vos menaces ne sont que du vent. 

L'homme raccrochait. 

Les commerces, la papeterie et les écoles étaient fermées. 

Même sa voisine, qui lui donnait tous les matins une part de fromage, était partie.

Deux semaines passèrent et la solitude commençait à lui poser. Un matin, ouvrant le volet de sa fenêtre qui donnait sur la rue principale, il vit une mouche virevoltant tout autour de la vitre.

Il prit sa tapette pour s'en débarrasser quand il s'arrêta. 

Voir cette mouche se démener pour acquérir une liberté de voler lui fit soudainement prendre conscience de son propre désir d'une vie d'aventures. Une vie qu'il pouvait encore s'offrir. Une vraie vie.

Il reposa son arme, tourna la tête vers la porte d'entrée. La porte s'ouvrit d'elle-même. L'homme fit les pas nécessaires pour sentir l'air frais et exempt de pollution dans ses narines.

Un sourire s'imprima sur son visage et fit quelques pas sur le trottoir. Le repère était à sa vue ; il s'en approcha et vit un tunnel s'enfoncer dans le sol. L'homme s'engouffra dans le repère pour ne plus jamais en sortir.

Depuis ce jour, le repère fit bouché et nul ne sut ce qu'il était advenu à monsieur Urses, le dernier habitant à avoir quitté la ville.

L.P.

Le dernier des habitants

Ancre 15032017

Un virus venu de Venus

Ancre 16042017

Arnaud avait perdu l'habitude de s'amuser. Le retour à la réalité s'était fait non sans mal. Les regards intrigués de ses amis, qu'il n'avait pas revu depuis dix ans, ne l'aidait pas à retrouver la confiance. 

Son bar, lui, ne l'avait pas lâché. En tout cas, tant qu'il pouvait continuer à boire sans faire d'histoires. Sa dernière crise n'avait pas laissé un bon souvenir dans le voisinage, et un pacte avait été fait pour que cela ne se reproduise plus.

Les somnifères prescrits par le seul médecin autorisé à venir le voir ne firent effet qu'une semaine.

Ses phobies nocturnes revenaient de plus belle et sa femme n'en pouvait plus d'aller l'emmener à l'hôpital, en pleine nuit.

Ce matin, Hector, son meilleur ami, vint le voir. Il le vit, assis dans son canapé noir, le regard vide et une rangée de toupies alignées sur la table.

- Arnaud, ça te dit une ballade dehors ? Il fait beau et j'ai envie de reprendre nos habitudes, comme avant. Marcher, courir, découvrir la nature, observer les étoiles.

Son silence le mit mal à l'aise.

- Allez Arnaud, je paries que tu en meurs d'envie. On ira tranquillement pour commencer.

C'est alors qu'Arnaud leva sa main et fit tourner la première toupie.

- Non.

Hector sentait son sang se refroidir dans ses veines. Mais il devait se ressaisir.

- Arnaud, fais moi plaisir. Il fait beau, et avec la saison des vacances scolaires qui approche, je ne serais plus disponible. Il faut en profiter.

- Non, répondit Arnaud plus sèchement encore en faisant tourner une deuxième toupie.

Son manège psychologique continua une heure, comme la dernière fois dans le bar, juste avant sa dernière expulsion. 

La sixième et dernière toupie avait fini de tourner. Mais cette fois-ci, plus question pour Arnaud de laisser son interlocuteur le remettre à sa place. Il avait décider d'en finir avec les personnes qui lui avaient fait du mal. 

Il se leva de son canapé, pris les gants soigneusement posées sur l'accoudoir, les enfila délicatement sur ses mains velues.

Le lendemain matin, Madame Webert, la voisine d'Arnaud et Sophie, vint frapper à la porte pour récupérer son journal, qu'elle avait prêté à Sophie. Elle n'eut aucune réponse, même après plusieurs tentatives. Elle appela son mari qui, le fusil de chasse à la main, tira deux balles pour faire sauter la poignée de porte.

Ils l'ouvrirent grand et virent une mare de sang sur le pas de la porte qui sépare l'entrée du salon puis trois corps : Arnaud, Sophie et Hector. 

Trois heures plus tard, la police arriva. Une jeune femme, Tara Gogheim frappa à la porte de la voisine. La commissaire prit sa déposition et lui conseilla de prendre quelques jours de congés, le temps d'oublier ce qu'elle venait de voir.

- Mademoiselle Tara, je ne comprends pas le geste de mon voisin. Il n'a jamais fait d'histoires dans le voisinage. De temps en temps, il revenait ivre mais il n'était pas violent.

- Malheureusement, c'est loin d'être le cas. Arnaud souffrait du syndrome de Tarentule. Les médecins ont encore du mal à en connaître les conséquences sur plusieurs années mais le cas d'Arnaud avait permis de trouver des pistes pour la fabrication d'un médicament. Le problème est que les symptômes s'aggravent avec les années.

- Quel dommage. Bon courage pour votre enquête, mademoiselle.

La jeune femme semblait douter. 

- Puis-je quand même jeter un oeil chez vous ? Ca ne durera que quelques instants.

La voisine eut alors une réaction. Elle serra les poings très forts et affirma froidement :

- Non.

La commissaire comprit tout de suite. Elle s'en alla pour éviter de rentrer dans son jeu. Dans l'après-midi, après avoir pris avec l'équipe de la police scientifique les empreintes et mis sous scellée la maison, elle se rendit au laboratoire central de Santa Ika.

- Bonjour Docteur. La voisine d'Arnaud a, à n'en pas douter, le syndrome de Tarentule.

- Elle aurait donc prit part aux mêmes évènements qu'Arnaud, il y a douze ans ? Vous avez quelque chose qui pourrait confirmer ?

- Un cheveu. Cela vous va pour l'analyse ?

- Oui, pas de problème. 

Tara se dirigea vers le placard de son bureau de passage et sortit une pochette, sur laquelle était écrit : Affaire Spiderman.

Elle sortit la photo, datant de 2004, au moment des manifestations anti-extraterrestres. Les premiers à avoir mené la rébellion. Elle la reconnut tout de suite, assise en bas à droite. Quatre agents avaient déjà été identifiés, dont Arnaud.

Hector n'avait pas réussi à l'emmener mais serait mort, tôt ou tard. Il fallait trouver une autre solution pour la voisine, tout en épargnant des vies. Et trouver la trace de ces extraterrestres, pour en finir avec eux et ce virus mortel. 

L.P

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