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Le sable s'étendait sur des kilomètres. Les vagues venaient s'échouer les unes après les autres, faisant remuer les bouées rouges qui séparaient la zone de baignade autorisée de la mer, la vraie.

Un larsen se fit entendre.

- "Mesdames et messieurs, veuillez vous positionner face au drapeau jaune et blanc, s'il vous plaît." annonça le sauveteur.

Je me dirigeais péniblement vers le lieu qu'il venait d'indiquer. La chaleur du soleil, au zénith, maintenait sur le sable une pression thermique constante.

La foule prenait au fil des minutes de plus en plus d'ampleur, au point que les centaines de chaises posées sur le sable n'étaient pas en mesure d'accueillir tout le monde.

- Monsieur, c'est bien ici qu'ils doivent arriver ? me demanda une vieille dame.

- Les voyageurs doivent arriver ici, effectivement, lui répondis-je non sans une pointe d'orgueil.

Moi, leur entraîneur. Moi, qui les ai encouragé à entreprendre ce voyage autour du monde en deltaplane, je m'apprêtais à les voir atterrir sur le sable de Deauville.

Soudain, un coup de fusil retentit, suivi d'un hurlement aiguë. Je reconnaissais cette voix, celle d'Emma.

Son deltaplane s'échoua au bord de la mer ; l'écume s'y infiltra. Le corps d'Emma glissa, porté par les courants.

Je me précipitai pour la récupérer. Il était trop tard.

- J'ai vu un monsieur s'enfuir vers le centre-ville. Il avait un fusil de chasse.

- A quoi ressemblait-il ? demandai-je à la jeune fille.

- Il était bien dodu, comme dit mon père.

Un visage me vient à l'esprit : Julian Graham, dit le Braconnier Normand.

J'appelai sur le portable de Fiona, qui avait du se poser plus loin, à l'écart de la foule.

- Allo, c'est toi, Martin ?

- Oui. Emma a atterri mais pas en bon état. Elle s'est faite tirée dessus.

- Mon Dieu ! Je savais que cela arriverais. Nous n'aurions jamais du effectuer ce périple, c'était trop dangereux. Je vole en deltaplane depuis 15 ans et c'est la première fois que je fais un tour du monde. Personne n'a jamais un seul tour du monde de sa vie, nous ne sommes pas préparé à ça.

Fiona commençait à stresser.

Pendant ce temps, la police arriva sur les lieux.

- Bonjour Martin, inspecteur Trifert. Je supervise la sécurité sur la plage de Deauville. Nous avons été prévenu de l'atterrissage de trois personnes. Cette femme fait-elle partie des membres de l'équipage ?

- Oui, hélas. répondis-je après avoir raccroché. Mais vous venez de dire "trois personnes". Je m'attendais à avoir les sept membres. A moins qu'ils aient pris la direction du chemin alternatif.

- C'est-à-dire ?

- Nous avons toujours un chemin alternatif. Pour l'étape de Deauville, nous avons choisi Vaillant, dans l'Est.

- Je contacte la cellule de sécurité de Vaillant.

- Non, je vais contacter le dispositif que nous avons constitué là-bas, ce n'est pas la même équipe.

J'appelai l'inspecteur Nouplot-Poisseau, qui surveillait l'arrivée des quatre autres membres.

- Vous les voyez ?

- Toujours rien. L'heure d'arrivée théorique est dépassée depuis dix minutes, ce n'est pas normal. 

Quelqu'un dans la foule se mit à hurler. Je me tournai et vis atterrir un deltaplane, celui de la troisième personne de notre équipe.

Etrangement, sa tenue n'étais pas celle qu'elle devait porter.

L'atterrissage se déroula sans encombre mais elle sortit deux revolver de sa poche, qu'elle braqua sur moi et sur l'inspecteur.

- Ne faites pas un geste ou vous serez les deux suivants d'une liste de macabés qui viendront souiller la réputation de votre belle ville, ce serait dommage.

- C'était donc vous qui avait tué Emma ? Votre escroquerie ne durera pas bien longtemps, j'en fais le serment.

- Que monsieur calme ses ardeurs, je suis au fait de toutes vos combines pour gagner, comme roucouler avec la commissaire générale de la compétition. J'ai pris la place de votre troisième membre pour tuer dans l'oeuf vos ambitions.

Soudain, l'individu fut pris d'un violent mal de crâne. Un des policiers l'avait frappé à la nuque. 

Je soulevais sa cagoule noire. Sa chevelure blonde ondulée n'était pas sans rappeler celle de ma mère, pionnière en son temps du vol longue distance en deltaplane. 

L.P.

A coeur vaillant, rien ne va plus

Ancre 19042017

Histoire de s'évader un peu, partons dans une prison.

Gardée uniquement par un robot humanoïde.

Elle enferme les pires criminels du monde.

Bob, l'un d'entre eux, travaille à la cantine.

Le jour, il nettoie, range, prépare et sert ses camarades.

Le soir, dans sa cellule, avec dix autres, il se met à réfléchir.

Il discute, rit, joue, apprend.

Il sculpte aussi.

Lui sculpte du bois quand ses camarades sculptent leur corps.

Il veut devenir sculpteur à sa sortie.

Bob Joffre, 45 ans, dont 25 de prison pour avoir rayé Paris de la carte du monde.

Il sculpte des femmes, des hommes, des animaux.

Il a un poulpe tatoué sur sa poitrine, côté coeur.

Le bois, c'est dans une zone boisée, autour de la prison, qu'il va le chercher.

Après son travail de jour, il prend sa hache, attaché à un poteau.

Il traverse les broussailles sur le kilomètre auquel il a droit.

Il va d'arbre en arbre et pose sa main sur chacun d'entre eux.

Son tatouage s'illumine quand l'arbre le choisit.

Car l'arbre a confiance. L'arbre a foi en lui.

Bob extrait alors la portion de bois qui l'intéresse.

Il remplace la partie coupée par son énergie.

A son retour en cellule, il touche le morceau de bois.

Sa mémoire écrème les souvenirs.

Celles et ceux qui ont émaillé son existence.

Sa femme, sa meilleure amie.

Ses camarades de l'armée.

Le juge et son discours lapidaire au moment du verdict.

Le regard et l'aide précieuse de sa mère, qui a toujours cru en lui.

Les heures de parloir avec son père, revenu d'Argentine.

Son avocat et ses efforts minimalistes pour réclamer une compression de peines.

L'idée de sa nouvelle sculpture vient alors. 

Un loup, vu la veille dans la forêt.

Des yeux d'une force sans haine.

Un regard rempli d'idéal et d'universalité.

Une cristallisation qui s'amorce au premier coup sur le bois.

Les copeaux, s'amoncellent, s'affinent et se dessinent.

Bob brosse, polit, vernit et accroche la tête du loup au plafond.

A côté du visage de sa fille, née deux mois après son incarcération.

Il attend sans souffrance le jour où tout sera fini.

Une lumière balaie la cellule, celle du robot.

La lumière continue son chemin.

Bob sourit comme chaque soir.

Bob dort heureux dans cette prison.

L.P.

Bob au bois dormant

Ancre 28042017
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