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La ronde femme de ménage venait de ranger sa panoplie, faite de balais, de serpillères et de produits miraculeux.

Une clé sortit de sa poche droite de son tablier et vint se loger dans son espace vital. Elle la tourna fermement et un claquement se fit entendre.

Elle enleva son costume bleu ciel pour venir l'accrocher sur la patère en inox, qu'elle trouvait toujours trop haut.

Elle fut demi-tour quand un homme la regarda fixement, les yeux derrière d'immenses lunettes noires.

Elle eut à peine le temps d'ouvrir la bouche qu'une violente douleur la saisit. Sa chute fut instantanée et s'écroula lourdement sur le sol brillant. Le sang ne tarda pas à couler, venant se mélanger aux dernières traces de détergent, senteur Provence.

L'individu fit demi-tour et se dirigea vers la porte de sortie, située face à celle d'entrée.

Les deux portes étaient séparées par un long couloir en carrelage blanc et noir.

Son téléphone sonna.

- Oui, j'arrive.

Il raccrocha aussitôt.

L'homme marchait rapidement ; son coeur, conditionné à ne battre qu'à faible pulsation, dû se faire violence pour supporter le rythme anormal que le corps qui l'hébergeait lui imposait.

Après une dizaine de secondes d'effort, il poussa enfin la porte donnant sur l'extérieur.

De nouveau, son téléphone sonna.

- C'est bon, j'ai dit que j'arrivais, ne vous inquiétez pas. A tout de suite.

Il coupa nerveusement la conversation et rangea péniblement son téléphone dans la poche droite de sa gabardine.

Il pressa le pas et fit voler les innombrables oiseaux qui se disputaient des morceaux de pains secs que venait de distribuer un vieil homme.

- Vous devriez marcher moins vite, monsieur, le temps défile toujours à la même vitesse.

L'homme n'en avait cure.

Arrivé à l'arrêt Eolienne, il prit le bus qui venait d'ouvrir les portes. Il passa son badge avec assurance.

Un signal sonore, suivi d'un voyant rouge, retentit.

- Il faut recharger votre badge, monsieur. Sinon, vous devrez payer une amende de 45 euros.

L'homme ne dit rien et chercha sa carte de crédit. Après quelques secondes, il devait se rendre à l'évidence.

- Désolé, monsieur. Soit vous payez l'amende, soit vous descendez.

Il ne lui restait plus qu'une minute. 

- Décidez-vous, monsieur, sinon je serais forcé de vous mettre dehors. J'ai des passagers qui attendent. 

C'est alors qu'une vieille dame, tirant une bonbonne d'oxygène, lui tendit sa carte de crédit.

- Je paye pour lui.

Le conducteur encaissa et son badge fut rechargé.

La vieille dame rangea sa carte et fixa l'homme.

Il esquissa un sourire de remerciement mais dut se ressaisir.

- Vous pouvez vous asseoir à côté de moi, il n'y a personne.

Il prit place sur le siège libre. 

Le bus redémarra tout en fermant les portes.

- Ne me remerciez pas. Vous êtes si prévisible.

Il reconnut soudain la voix enrouée de la vieille dame.

- Mère ? Mais je vous croyais en vacances !

- C'était pour emmener votre père, je ne supporte plus de rester enfermer dans une villa, j'ai besoin de bouger. Alors je suis rentré par le vol du soir.

- Et je suppose que ...

- Que quoi ?

L'homme crut un instant qu'elle était au courant de sa mission.

- que Père a cherché à vous appeler.

- Même pas, c'est à croire qu'il tenait absolument à ce que je partes. Au fait, j'espère que vous connaissez votre destination ?

- Je dois m'arrêter à deux stations.

- Ca tombe bien, je prends la suivante. J'ai rendez-vous avec ma meilleure amie.

Le bus s'arrêta enfin à destination.

- Je dois vous laisser. Je vous dois une fière chandelle. Mais pourquoi cet accoutrement ?

- Partez, ne discutez pas !

L'homme descendit et arriva devant la maison. Il reconnut l' anémomètre noir qui surplombait le toit.

Il sonna deux fois à la porte.

Une clé vint se loger dans son espace vital et vint débloquer le verrou de la porte. Cette dernière s'ouvrit.

Un jeune garçon le regarda.

- Entrez, mon papa vous attend.

L.P.

Station Mission secrète

Ancre 30052017

Ouverte, la porte se bloqua sur un mur en brique. Le petit éclairage, fourni par une ampoule tenue au plafond en béton par un simple fil rouge, laissait apparaître nos ombres.

- Le couloir se trouve en face, derrière cette nouvelle porte.

Arty, une des nouvelles recrues, tenait la carte sur laquelle se trouvait le plan du souterrain.

- Bien. Le partage doit à nouveau être effectué. 

Tous les yeux se dirigèrent vers le prochain décideur, en l'occurence Tuki.

- Bon, je suppose que c'est à moi de m'y coller.

Tuki leva l'index droit doucement à l'horizontal puis le laissa immobile, en silence. Quelques secondes plus tard, des mouvements saccadés firent bouger son doigt en direction de Sara.

Le doigt stoppa net sur elle.

- Désolé pour toi, Sara, mais l'empathie que j'éprouve pour toi s'arrête. 

- Mais, tu m'avais promis !

- C'est un concours, Sara.

Sara, comme les quatre autres personnes du groupe, dû déclencher sa capsule cardiaque, qui devait générer une fibrillation létale. En moins de dix secondes, elle s'effondra et mourut, sous les yeux maintenant habitués des participants.

Le smartphone du chef du groupe sonna, qui décrocha et le porta à l'oreille.

- Bien. Allons-y.

Le chef raccrocha. S'ensuivit l'ouverture de la porte qui donnait sur le couloir.

- La pauvre Sara, dit la benjamine de groupe. Elle n'est même pas partie en paix, quel drame.

- Ce n'est pas le moment de somatiser. Il nous reste deux heures dix avant l'arrivée, dit Toki.

Le temps passa et le groupe, qui perdait certes en nombre de participants, devait faire face à une complexification des épreuves : il fallait faire fi de l'amitié naissante au profit de sa propre survie tout en menant le groupe aux épreuves suivantes.

Les deux heures fondirent comme neige au soleil.

Il ne restait plus que trois personnes dans le groupe.

- Vu le temps qu'il nous reste, il nous faudra décider très vite, soupira Kento, ce remémorant la devis du concours : "Pas d'utopie sans sacrifice".

Le smartphone de l'actuel chef, Kento, sonna.

- Ecoutez, déclara la benjamine, on peut toujours ne pas répondre à l'appel. On sort tous ensemble. C'est notre ultime épreuve, alors laissons la compétition de côté et finissons sur un beau souvenir !

- Si nous ne décrochons pas, nous mourrons tous, c'est la règle, dit Kento.

La jeune femme ne pouvait se résoudre à mourir.

Elle tourna la tête dans la grotte où il se trouvaient. Un eau verdâtre suintait des rochers, formant un lac, à peine éclairé par un interstice, donna sur l'extérieur.

- Laissez-moi le temps de voir ce qu'il y a dans ce lac. 

Elle ôta ses chaussures et sa veste, puis plongea dans l'eau froide. Elle se mit à brasser l'eau le plus loin possible. 

C'est alors qu'elle sentit quelque chose de visqueux bouger le long de son corps.

Dix minutes plus tard, elle remonta à la surface pour reprendre sa respiration.

- Les gars, je crois qu'il y a des poissons dans ce lac.  Et des grands !

- Et tu penses en faire ton prochain festin ?

- Mieux que ça, nous serons leur festin. Kento, tu décrocheras le smartphone quand moi et Sam serons dans l'eau.

L'épuisement eurent raison de leurs facultés à remettre en doute l'idée farfelue de Sara. Une fois sous l'eau, Kento décrocha.

- Il vous faudra, pour sortir, sacrifier celui qui vous est le plus cher. énonça la voix du smartphone.

- Désolé, mais les deux personnes restantes se sont jetées dans le lac.

- Alors c'est vous qui mourrez.

A peine la voix eut-elle prononcée cette phrase que sa capsule explosa, laissant ainsi tomber dans l'eau le smartphone.

Les deux candidats restants suivirent la lumière et se mirent à creuser. Un pan de roches fragilisé s'effondra alors, laissant échapper un torrent d'eau.

Emportés par le courant, il arrivèrent au bout de deux minutes sur une berge, et posèrent les mains sur une plateforme en bois. 

Ils poussèrent de toutes leurs forces pour poser enfin les pieds et respirer l'air extérieur.

- On a réussi, Sam ! s'exclama Sara, en le prenant dans ses bras.

C'est alors qu'un craquement de bois se fit entendre. Des talons aiguilles qui, lentement, s'approchaient d'eux.

Une voix claire et ferme vint rompre leurs embrassades.

- Ne criez pas victoire trop rapidement. Le concours vous oblige à éliminer un dernier candidat, sinon vous mourrez tous les deux.

Cette quadragénaire fit venir un livre en deux exemplaires.

- Chers aventuriers, vous devrez lire ce livre et le juger avec sincérité. Vous avez une semaine.

La semaine prochaine, je viendrais le récupérer et votre jugement, qui devra être unanime, sera confronté avec les critiques d'un journal national. Votre avis sera décisif sur l'avenir de mon livre, sur lequel je fonde beaucoup d'espoir.

Si votre avis est défavorable, vous mourrez tous les deux, sinon, je vous laisse la vie sauve mais l'un d'entre vous devra se sacrifier.

- C'est absurde, je ne veux pas, supplia Sara. La mort, nous l'avons côtoyée pendant une journée. C'est une souffrance, un coup de poignard qui vous dévaste. Assez de cette violence sourde et lente !

- C'est vrai, répliqua Sam. je ne supporte plus de voir des humains se faire exploser le coeur. Je ne supporterais pas une dernière fois d'avoir à subir une telle épreuve.

Soudain, la capsule de Sara et Sam siffla et explosa dans leurs poitrine. Mais rien ne se passa. 

- Pourquoi ne sommes-nous pas mort ? 

- Parce que le concours n'avait pas pour but de vous éliminer un par un, mais de tester votre courage et vos sentiments humains.

La femme les emmena dans sa maison, à vingt kilomètres de là.

Elle leur expliqua qu'elle les avait choisi car ils étaient seuls, dans toute l'espèce humaine, à encore incarner l'humanité vraie. Mais seule une épreuve pouvait la leur révéler.

- Notre planète a besoin de gens comme vous. Les humains ne pensent qu'à l'égoïsme, à leur propre ambition, au détriment du bien être d'autrui. 

Ils furent conduits dans son salon où des dizaines de bébés, d"enfants, jouaient innocemment. Pas de télévision, mais des jouets éducatifs, des livres, et des animaux avec eux.

- Votre mission sera de les élever, comme s'il s'agissait de vos propres enfants, afin de les préparer à un nouveau monde.

- Nous acceptons avec joie, dirent Sara et Sam à l'unisson.

C'es ainsi qu'il se mirent au service d'une cause mondiale pendant plus de soixante ans et élevèrent des milliers d'enfants.

L.P.

Stop au nom de l'amour

Ancre 15062017
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