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Une lettre qui jette un froid 

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Cher patron,

 

Je travaille directement pour vous depuis que le jour de la kermesse des enfants des salariés, c'est-à-dire hier.

Vous m'avez donné le poste de responsable du wiki de l'entreprise depuis ce matin.

Je tenais, avant toute chose, à vous accorder mon plus grand bravo quand à cette décision : en effet, grâce à moi, vous êtes à la tête d'une équipe extraordinairement informée, car tout le monde sait qu'un salarié cultivé est plus productif qu'un salarié ignare.

J'aimerais donc vous indiquer, au vu de la réussite de cette mission, que le neuvième objectif est atteint.

Ainsi, ne me restais plus qu'à réussir le dernier des dix objectifs que vous m'avez fixés, qui est de créer une atmosphère de zénitude planétaire d'ici demain.

Malheureusement, je crains fort que ce dessein ne soit réalisable.

Je vous dis celà parce que, il y a dix minutes à peine, un membre du comité de respect des conditions de travail m'a indiqué que les salariés de la branche "inuit" ont réclamé qu'un amalgame fait à base de ma main droite et de votre main gauche leur soient fournies, et ce pour leur permettre d'invoquer quelque esprit protecteur.

Ne connaissant pas bien ces salariés, j'ai tout naturellement consulté la base de connaissances collaborative. A ma grande surprise, un collaborateur de la branche "eurasienne" a indiqué qu'il est de coutume, chez eux, de pratiquer la cérémonie de finalisation des objectifs en fabriquant  un grigri à partir de cette mixture peu ragoutante. Ce pendentif, une fois certains mots prononcés, sera porté par vous et moi comme signe de l'indéfectible lien professionnel qui nous unira, et ce pour l'éternité.

En toute transparence, je me dois de vous faire part de ma réticence quant au bien-fondé de cette cérémonie, souhaitant conserver mes doigts qui, soit dit en passant, sont mes outils de travail. 

En conclusion, en raison du présent dilemne ( perdre mes doigts pour toujours ou perdre mon job pour toujours si je ne finis pas les objectifs ), j'ai décidé de mettre fin à mes jours.

N'y voyez aucun égoïsme de ma part, mais juste l'expression ultime d'un être humain face à ses contradictions, nourries par l'angoisse de ne jamais faire les choses jusqu'au bout.

 

En vous remerciant d'avance pour votre compréhension, je vous prie d'agréer, cher patron, mes salutations post-mortem.

 

L.P.

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