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Une tempête avait été annoncée par le bulletin météorologique de 20h. Arrivée imminente d'une forte dépression risquant de provoquer un tsunami. 

Les barrages avaient été renforcés par l'activation du champ magnétique.

Mais le tsunami tant attendu n'arriva pas.

La déception était grande dans le clan des Mac Ytor.

Le chef fut son discours hebdomadaire devant la foule.

- Chers citoyens, chères citoyennes, l'avenir du château ne tient plus qu'entre les mains de l'espérance. Nos scientifiques, pourtant la fierté du clan, n'ont pas su faire montre de leurs talents au monde entier.

Mon père, qui m'avait posé sur ses épaules, marmonnait :

- Les balivernes, tout ça, c'est pour nous demander encore une fois de payer pour leurs futurs échecs. 

Un silence pesant s'installa. Le chef repris son discours, envisageant le pire : la fin des subventions que l'Etat européen leur accordait depuis 60 ans.

- Nous devons chercher de nouveaux cerveaux. Et la tâche ne sera pas facile. Alors, je vous demande de faire l'effort suivant : trouvez chez vous, parmi vos amis, votre entourage, votre famille, des personnes de tout âge qui seraient dotés de capacités, non plus rationnelles, mais extralucides, hors du commun. Car la science ne nous fournit hélas plus les réponses aux problèmes qui le monde actuel nous donne à résoudre.

La foule se dispersa lentement et mon père me fit descendre de ses épaules.

- Visiblement, notre chef veut tout révolutionner. 

- J'aimerais tellement pouvoir l'aider, papa.

Mon père eut un air perplexe puis se mit à rire.

- Mais je suis sérieux, papa. Je suis sûr d'avoir des pouvoirs.

Tout en parlant, nous allâmes chez le marchand de bikinis, qui cette fois avaient une merveilleuse odeur de sel de mer.

- Un bikini sauce écossaise, s'il te plaît ! Et bien salée, la sauce.

Mon père lui donna l'argent nécessaire. Quelques minutes plus tard, je sentais les effluves du bikini explorer les profondeurs de mes narines.

- Merci monsieur ! dis-je au marchand en tendant les mains vers l'objet de mon désir.

Nous prîmes la direction de la ville. L'écran géant reprenait le discours que venait de faire le chef, avec les sous-titres en anglais.

Un chien, titubant le long du trottoir, tourna la tête quand nous fûmes à sa hauteur.

- Tu vois, papa, ce chien qui a un grain, je peux le refaire marcher droit.

Je posais ma main sur le sommet de sa tête. Ses yeux se mirent à se révulser et s'arrêta de marcher.

J'enlevais sa main et tout son corps s'affala sur le sol.

- Mais tu l'as tué ! 

- Non, attends. dis-je à mon père.

C'est au bout de quelques secondes que le chien rouvrit les yeux, se remit sur ses quatre pattes, et marcha qu'il avait toujours correctement marché.

Je sortis alors un lecteur et inscrivit mon opération mentale.

- Le chien s'appelle Dune et souffrait d'une lésion au cerveau. Je l'ai guéri par quelques ondes, dans la plage des fréquences à ultra-sons.

Mon père était stupéfait.  

- Rentrons, fils. N'oublie pas de finir ton bikini, ça va refroidir.

Les jours suivants furent pour moi bien différents : mon père prit rendez-vous au service médical du centre-ville me faire examiner.

J'eus à subir une journée de tests divers : jeux d'adresse, de concentration, de logique. Mais j'avais une préférence pour faire léviter les coquillages de couleur, puis les faire tourner de manière à n'avoir l'illusion que d'une seule couleur blanche.

L.P.

Magique Halieutique

Ancre 04052017

Le miroir avait rendu son dernier service. Brisé, les morceaux, devenus inertes, ne renvoyaient plus mon reflet.

Un réparateur vint ramasser les débris avec un aspirateur. Je les voyais filer tout droit dans sa bouche, puis pénétrer à l'intérieur du bol en plexiglas. Ils se mirent à tournoyer, montant et descendant, comme lors de la tempête d'il y a vingt ans. 

L'homme appuya sur le bouton rouge ; les morceaux furent transformés en poussière en quelques secondes.

A peine le voyant du bouton rouge s'éteignit que le voyant du bouton vert s'illumina, suivi par l'ouverture d'une trappe.

Les milliers de particules en suspension foncèrent dans le sac, telle une vague déferlant sur les immeubles de Santa Julia.

Le voyant vert s'éteignit. La cuisine fut soudainement plongée dans le silence.

- Cela fera deux euros, monsieur.

Je cherchais mon porte-monnaie dans la poche intérieure de ma veste, posée sur une chaise.

En le sortant, une photo tomba au sol.

- Monsieur, vous avez fait tombé quelque chose, je crois.

- Oui, j'ai vu.

Je la ramassa et, par réflexe, y jetai un coup d'oeil. 

Nous étions tous les trois, devant un jet d'eau craché par un des quatre dauphins de la fontaine des Miracles. 

Instinctivement, je remettais la photo dans le porte-monnaie et sortit une pièce de deux euros.

- Voilà. Une bonne journée à vous.

L'homme prit son aspirateur, me serra la main, et s'évapora.

Je repris mon couteau et me remis à trancher le saumon. Mais un souvenir stoppa brutalement mon élan. Nos regards amoureux près de la tête de Méduse au musée, les bulles de savon du petit dans le jardin public.

D'autres moments se succédèrent. Mais il me fallait lutter. Apprendre à oublier. Je me reconcentrai sur le couteau. Puis sur le poisson.

Le four était prêt à venir accueillir le poisson quand un autre souvenir survint. Le plat me lâcha des mains et le saumon glissa. Sa chute le brisa et le plateau vrilla dans un vacarme assourdissant.

Comme si mes actes de piraterie sensorielle se rebellaient d'avoir été enfermés de force.

Et mes propres souvenirs, eux, restaient enchaînés à jamais.

L.P.

Souvenirs à larguer

Ancre 10052017
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