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Ancre 02122016

Guerre des nerds

- Oie Sauvage appelle Castor Intrépide, me recevez-vous ?

- Castor Intrépide à l'écoute, Oie Sauvage. Que puis-je faire pour vous ?

- Une déviation du courant serait nécessaire pour une durée de quinze minutes. Est-ce possible ?

- Pas de problème, je m'y mets dès maintenant. Vous faut-il une confirmation ?

- Ca ne sera pas nécessaire, il s'agit d'une procédure de type légère, ordonnée par le chef. 

- D'accord. C'est comme si c'était fait.

- Merci Castor Intrépide. Je reprends la direction du sud.

- A bientôt, Oie Sauvage.

Castor coupa lentement la communication, comme s'il voulait continuer à entendre la douce voix d'Oie Sauvage. 

La porte du cabinet de la radio s'ouvrit. 

- Castor Intrépide, votre service est terminé pour ce soir. Je vous présente votre nouveau remplaçant, Grue Menaçante. Il sort tout droit du centre de formation.

Castor se rappelle bien du centre. Tous les enfants nés depuis le migration de la Lune vers Mars ont pour obligation d'exercer un talent au service du renseignement. Leur engagement à vie sonnait le glas de leur innocence et de tout ce à quoi ils auraient pu aspirer : pas d'histoires ni de légendes fantastiques à lire ou à écouter, une imagination refoulée. 

- Salut, mec. Je te laisse ma chaise et mon casque. J'aurais préféré t'en donner un autre mais c'est le dernier qui fonctionne encore.

- Je ferais avec. Et je connais la situation.

- Alors, détrompe-toi, mon gars, c'est bien pire que ce qu'on a pu te dire à l'école. Là-bas, ils ont des ingénieurs radio extrêmement qualifiés. Tous les matins, il faut revoir le protocole de communication pour brouiller les pistes. Croire qu'on peut les manipuler comme des jouets est une grave erreur, ils sont plus malins que toi et moi.

- D'accord. Va te coucher, je prends les choses en main, dit Grue Menaçante, d'une voix sèche et formatée.

Castor Intrépide se leva et laissa s'échapper un soupir. Il se dirigea vers la porte quand il sentit un coup violent sur le crâne. Sa vue se troubla et son corps s'effondra, sans qu'il ne puisse rien y faire. L'obscurité s'abattit brutalement ; il perdit connaissance.

- Grue Menaçante appelle Autorité. Le Castor a pris un tronc en pleine face. Terminé.

Ayant repris ses esprits, Castor Intrépide était ligoté sur un lac gelé. Aucune présence humaine autour de lui. 

Soudain, une voix tonitruante se fit entendre. Il chercha en vain à la localiser en tendant l'oreille mais en vain.

- La situation dans laquelle vous êtes actuellement n'est dû qu'à votre incompétence générale. Dix ans de formation pour vous faire avoir comme un débutant, n'est-ce pas là le signe que votre programme de collaboration est à bout de souffle.

Il sut dégager sa main droite, qui vint se poser sur la crosse de son arme de service, cachée dans son pantalon.

- Ne tentez surtout pas de bouger, ou vous seriez exécuté sur-le-champ. Vous ne nous voyez pas mais de là où nous sommes, nous pouvons vous neutraliser très facilement.

Castor appela par télépathie son commandant, Pain d'Epices.

- Castor Intrépide appelle Ginger Bread. Me recevez-vous ?

- Ginger Bread à Castor Intrépide, je vous écoute. Que se passe-t-il ?

- Je suis pris en otage et ligoté sur un lac gelé. Une voix me menace mais je ne sais pas d'où elle vient. Pourriez-vous capter leur localisation ?

- Laissez-moi écouter.

Castor Intrépide envoya un flux audio de son cerveau pendant quelques secondes.

- Cette voix est difficile à localiser. A moins que ce ne soit pas un humain qui soit à l'origine de la voix.

- Vous pensez à une voix préenregistrée et diffusée par haut-parleur ?

- C'est fort possible. Je transmets le flux à notre analyste Speculoos.

L'attente fut de courte durée ; le diagnostic complet fut confirmé et la communication interrompue.

Castor pris son arme, l'orienta vers lui et tira, créant ainsi un flux non létal mais suffisamment puissant pour faire évaporer les cordes qui le retenaient prisonnier.

Une fois levé, il marcha de manière assurée sur quelques mètres en direction d'une petite butte d'où émergeait un arbre mort. Une fois arrivé, il appuyant sur un des noeuds de l'arbre. Le décor de désolation hivernal se transforma alors en une immense base de commande ennemie.

- Messieurs, vous êtes en état d'arrestation. Au nom de la loi des Migrants, vous êtes priés de poser vos mains sur la tête. Le commandement du vaisseau sera effectué par nos agents capteurs.

Castor envoya un nouveau message à Ginger Bread.

- Les bonbons collent aux dents, Ginger.

De retour à son cabinet de radio, l'agent infiltré Grue Menaçante se faisait arrêter par deux agents télépathes.

Un nouvel épisode d'une guerre parmi tant d'autres venait de s'achever. 

L.P.

Une goutte de sang versée sur le sol et une armée de fourmis se ruèrent sur elle. Les ours le prirent dans leur bras pour calmer sa peur, face à une nouvelle expérience de sa toute petite existence.

La femelle qui l'avait nourri depuis son abandon par ses parents remuait les lèvres vers son oreille, comme pour lui parler, le réconforter, l'apaiser.

Le morceau de bois qu'il avait lâché fut récupéré par le mâle et le donna aux petits pour qu'ils jouent avec. Eux savaient s'en servir.

La période du coucher du soleil prenait parfois des allures de séance pédagogique : tous les animaux nyctalopes sortaient les uns après les autres de leur terrier ou des hautes herbes pour chasser. Il prenait un malin plaisir à guetter les rongeurs, ses préférés entre tous. Parmi eux, les cétones qui sautillaient à l'aide de leur pattes arrières, semblables à celles des criquets.

Une odeur nauséabonde leur titilla les narines ; dans leur fuite pour s'en éloigner, les cinq cétones brassaient l'air avec leur appendice caudal terminé par une touffe rouge de poils.

Le petit, satisfait de sa cocasserie fétide, ne pouvait s'empêcher de rire. Les deux parents adoptifs le firent revenir dans l'arbre familial.

- Un jour, j'en capturerais plein ! dit le petit, tout en attachant soigneusement sa serviette autour du cou.

La femelle lui servit un pot de fourmis tortillas, les mêmes qui s'étaient régalées trente minutes plus tôt du fluide vital qui s'était écoulé d'un des doigts du petit.

Le soir venait de tomber. Un courant d'air s'infiltra dans sa chambre. Il reprit peur. Cette perpétuelle angoisse nocturne ne le quittait pas avant quelques heures. Son père devait le rassurer en lui racontant l'histoire des femmes fajitas, les déesses de la nuit.

Ces déesses protégeaient tous les êtres vivants qui ne supportaient pas l'obscurité : elles traversaient les eaux, les terres et les forêts pour venir apaiser les âmes terrifiées en chantant l'air de la Nuit Divine.

- Pourquoi tu ne me la chantes pas ? disait le petit au bord de sombrer outrageusement dans le monde des rêves.

- Car je ne suis pas une déesse, mon grand.

Et à chaque fois, le petit s'endormait. Parfois, il voyait le vent se transformer en d'innombrables voiles de soie, d'où émergeait de jeunes nymphes. Cette nuit-là, l'une d'elles s'approcha du petit, qui restait figé dans son pyjama, au beau milieu de la forêt. Son visage prit l'apparence d'une jeune femme qu'il semblait avoir connu. Il se réveilla en sursaut et se mit à pleurer, mais sans crier, pour ne pas réveiller son père et sa mère.

Le lendemain, le petit déjeuner se passa sans un mot. 

Il passa sa journée dans le silence, à éviter ses camarades, comme mû par le besoin de comprendre cette rencontre improbable et mystérieuse.

Un de ses amis, un lézard vert, lui mis la patte sur l'épaule.

- Les professeurs sont inquiets à ton sujet. Même le professeur de tequila.

- Je m'en fiche qu'ils s'inquiètent. J'ai fait un rêve hier soir et j'ai vu une femme que je pense connaître.

C'est alors que le visage de son ami se transforma en celui de Zapata. Il s'adressa au petit d'une voix nasillarde.

- Où avez-vous vu cette femme ? dit-il en lui montra le visage de la femme qu'il avait vu dans son rêve.

Le lézard à tête de mexicain répétait inlassablement la question tandis que l'école s'effondra et du gazon se mit à pousser sur le bitume de la cours de récréation.

Des fourmis à têtes d'indiens firent leur apparition et transpercèrent le petit.

Un des indiens Zapothèques se réveilla de sa transe en hurlant. Les autres étaient allongés, inertes.

Il se réveilla et retourna dans sa tente. Il lui restait une journée avant de quitter le camp de révélations et n'arrivait toujours pas à se souvenir du visage de cette jeune femme.

L.P.

Hyper Hypnose

Ancre 16122016
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