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Ancre 06022018

Le pacte  de l'Ours

Le printemps était une saison dont tout le monde avait entendu parler mais que peu de gens savaient décrire. 

Les ouvrages traitant du printemps pouvaient se compter par dizaines de milliers; la plupart fixaient son apparition autour du mois d'avril, mais aucune preuve scientifique ne venait étayer cette hypothèse.

J'avais décidé, à l'âge où beaucoup d'enfants croient encore au Père Noël, de tenir la promesse que j'avais faite à mon grand-père : tout connaître du printemps.

Pendant toute ma scolarité obligatoire, je m'acharnais à finir mes devoirs à temps, à collectionner les meilleurs notes, à m'intéresser aux connaissances de bases, même celles qui n'intéressaient personne. Car je savais qu'un jour, elles me serviraient.

Une fois entré à l'université, j'écumais les rayons de la bibliothèque, en quête de nouveaux savoirs scientifiques, littéraires et techniques.

J'allais jusqu'à décortiquer les contes pour enfants de peuples lointaines.

Celui qui devaient me fournir le plus d'information était :"Le pingouin sur la banquise".

Qui serait assez fou pour trouver, dans cette histoire entre un pingouin et un ours, une histoire sur l'apparition du printemps ?

Dans mon fol espoir, je pris contact auprès de l'auteur du conte.

- Désolé, monsieur, mais monsieur Cal Otte n'est pas disponible pour vous recevoir.

- C'est bien sûr ? Je ne voudrais pas insister mais je dois lui parler. 

La standardiste de la maison d'édition me raccrocha au nez.

Qu'à cela ne tienne, je pris mon week-end, que j'aurais du dédier à mes révisions, pour trouver ce cher Cal. 

Cette chère standardiste ne pouvait pas se douter que les réseaux sociaux m'aideraient à le trouver. Une photo prise par un certain Boréal Koper, avec cette demoiselle en état d'ébriété, fut le point de départ de mon périple jusqu'à ce Cal. Je le contactai par messagerie instantané, ce qui me permis de le localiser au Danemark, plus précisément à la pointe nord du pays.

Au bout d'un chemin se trouvait une maison en pierre noire sans toit, ressemblant à un immense igloo couvert de suie ; des lierres aux feuilles violettes poussaient le long des murs.

Soudain, une armée de macaques, fusil à la main, se précipitèrent devant moi, me tenant en joue.

- Vous êtes sur une propriété privée, hurla une voix dans un mégaphone. Je tournais la tête pour trouver l'origine de cette voix. Je le vis en haut d'une des buttes encore enneigées qui encerclaient la propriété de Cal.

- Je viens pour le printemps.

- Le printemps ? Ca n'existe pas. Rentrez chez vous !

- Monsieur Otte sait qu'il existe.

- Il ne sait rien. D'ailleurs, il n'est pas là. Rebroussez chemin ou mon armée vous tire dessus.

C'est alors qu'un ours sorti de la maison, habillé en inuit

- Laissez-le entrer.

L'armée posa alors tous les fusils et se dispersa en quelques bonds, tout en criant, comme si leur vraie nature sauvage était revenue.

L'ours me fit signe de m'approcher. Je fis alors soulevé, quittant brusquement le sol pour filer droit vers la maison. 

Quand il pointa son doigt vers le sol, j'atterris brutalement sur le sol couvert de suie, faisant planer un nuage de poussières autour de moi.

- Entre, dit calmement l'ours.

Une vague immense de chaleur, de couleurs et d'euphorie s'empara de tout mon être. 

- C'est là que le printemps se trouve ?

- Oui, tout juste. Je l'entretiens, comme des plants de tomates dans une serre. Moi-même, je suis au coeur du printemps. Tout acte malveillant envers le printemps influe sur ma capacité à l'entretenir. Et, ses derniers siècles, les activités humaines m'ont fortement affaibli. Je suis donc moins à l'écoute du printemps, et sans les soins que je lui prodigue, le printemps s'affaiblit, et moi avec. 

Le printemps n'est plus que dans ma demeure. Bientôt, si rien n'est fait, ce foyer disparaîtra pour toujours.

- Vous voulez dire que vous et le printemps n'existeront plus à cause de nous ?

- Hélas oui. 

- Mais que devons-nous faire pour faire revivre le printemps ?

- Je ne vois qu'une solution : détruire l'espèce humaine. La nature reprendra ses droits et tout redeviendra comme avant.

- Mais c'est impossible, nous faisons partie de la nature ! 

- Plus maintenant. Quelqu'un de chez vous a brisé le pacte qui vous liait avec la nature.

Un humain avait brisé un pacte ancestral avec mère Nature ? Ma quête n'en était donc qu'à mon début et le temps semblait compté avant que n'arrive l'inéluctable.

L.P.

Ancre 12012018

Plus d'urbanité

Il avait plu, ce soir-là, et les feux venaient tous de s'éteindre. La ville fut plongée dans un noir inhabituel. Les sons s'étaient tus, les voitures s'immobilisèrent les unes après les autres jusqu'au silence total. Quelques secondes après, des voix se mirent à jaillir, comme le piaillement des oiseaux au printemps.

Du balcon, j'observais ce changement qui prenait la forme d'une mini-révolution. Quatre heures durant, une nouvelle vie se dessinait devant mes yeux.

Les enfants, réveillés par cette nouvelle forme de vie nocturne, accoururent vers mes jambes.

- Papa, il se passe quoi ?

- Je ne sais pas trop, Jen, mais ça ne change rien au fait qu'il faut se coucher, il est tard. Allez, au lit !

Résignés, les enfants prirent la direction de leurs chambres, tout en gardant l'oeil pétillant de vie. Quelques minutes après, leurs cris et les rires laissèrent place aux ronflements discrets.

En ville, la police arriva sur les lieux, cherchant à calmer la panique qui gagnait la population.

Soudain, un coup de feu retentit. Puis un autre. Le quart d'heure qui passa semblait réclamer sa dose de bruit, de lumière et de cette euphorie.

La police eut bien du mal à contenir l'agitation frénétique et chaotique, digne d'un carnaval

- Monsieur, rentrez chez vous ! me hurla un policier

- Je suis déjà chez moi, ça ne se voit pas ?

Un semblant de détente plus tard, je pris la direction de mon bureau, et allais virevolter ma souris sur la carte de la ville. Les spots viraient au rouge partout : bars, restaurants, musées, maisons, résidences, même le poste principal de police était en alerte. 

Sur les réseaux sociaux, le gens postaient par dizaines des vidéos, des articles de journaux, des commentaires tantôt alarmistes, tantôt jubilatoires, certains s'adonnant à quelques pas de cotillon.

- Monsieur, ouvrez-nous, nous avons besoin de votre aide ! hurla une voix féminine à ma port

Je me dirigeai vers la porte quand celle-ci s'ouvrit violemment.

- Monsieur Spal, vous êtes en état d'arrestation pour complicité d'évasion. 

Je fus embarqué dans une voiture de police. 

- Je n'ai rien fait ! Et vous n'avez pas entendu le cri de détresse de cette femme ?

- Une hystérique. Et ne changez pas de sujet, nous savons que vous êtes en partie responsable de la situation actuelle.

- J'espère que ce n'est pas ce que j'ai dit à votre collègue tout à l'heure qui vous a mis dans cet état.

- Vous voulez en plus avoir une inculpation pour outrage à agent, peut-être ? Car vous en prenez le chemin.

La voiture s'arrêta devant le poste de police. Je sortais, menotté, quand une ombre, suivi d'un corps filiforme se faufila entre moi et l'agent de police. Ce dernier fut aussitôt envoyé dans les airs. Je me retrouvait sur son dos.

- Ensemble, nous trouverons qui a provoqué ce chaos. Votre arrestation cache le véritable maniganceur.

Ce super-héros volant semblait connaître les tenants et les aboutissants du marasme urbain dans lequel Oji était plongée.

L.P.

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