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Entropie d'anthropie

"Et bien, si personne ne veut croire en mon projet, alors j'en arriverais au bout seul !"
Cette phrase résonnait encore dans ma tête, alors que j'allai me coucher.
Ce personnage de chef d'entreprise dans cette telenovela mexicaine, somme toute banal, me ressemblait étrangement ; il avait ce mélange de naïveté et de lucidité sur la vie, qui donnait à ses ambitions un regard émouvant mais qu'on voudrait soutenir de toutes ses forces.
Moi, simple thésard en biologie du cerveau de l'université de Dakar, j'avais moi aussi un projet fou, dont personne n'avait eu l'audace, encore moins la curiosité, de proposer : créer une société humaine extraterrestre où chaque être aurait à construire son propre écosystème.
J'avais, pour se faire, récupéré des centaines d'hommes et de femmes cobayes, et de balayer la plus grande diversité de profils qui soient : venus de tous les continents, exerçant des métiers variés ( allant du jongleur au mathématicien en passant par le serveur de restaurant libanais ), avec des critères de variabilité innovants tels que : type de métabolisme, résilience psychique, aptitude à diriger un groupe, ouverture à la culture et aux arts, capacité à la polyvalence technique.
Chacun avait à sa disposition des ingrédients de base : 
- une planète, à piocher dans celles du système solaire, de la confédération de Thor et de l'union stello-nébulaire de Min
- 10 échantillons de cellules provenant d'organismes terrestres et marins différents
- et rien d'autre, à eux de faire tenir le plus possible chaque échantillon sur la planète que chacun aura pioché
Le projet avait débuté le 17 mars 1984, 09h10.
Deux ans plus tard, les premiers expérimentateurs partirent de Tambacounda à bord de capsules individuelles, et furent dispersés vers leur lieu d'expérimentation en même temps depuis la ceinture principale d'astéroïdes. 
Mon poste stratégique de surveillance et d'aide à la décision n'était autre que mon ordinateur portable du laboratoire de recherche.
Une webcam était fixée au sommet de chaque capsule et filmait au quotidien le développement de multiples protos-civilisations.
A eux de tout réinventer : traditions, référentiels communs, conquêtes, politiques de croissance de la population, gestion des conflits, progrès technologiques, nourriture.
Mon but ultime était de prouver que n'importe qui, pourvu uniquement d'un cerveau comme outil, avait les moyens de transcender son propre genre quand il était confronté à une situation de vie extra-terrestre.
A eux de s'affranchir de ce qu'ils connaissaient de leur ancienne vie terrestre. 
Un jour de juillet 2014, je faisais zoomer la webcam de la capsule N5. De petits cris sortirent des haut-parleurs de mon portable plasma dernier cri. Je n'en croyais pas mes yeux et mes oreilles : une nuée de ce qui pouvait ressembler à des méduses géantes à l'aspect métallique se dirigeait face à ce qui restait du cobaye : un cerveau baignant dans une saumure, le reste du corps avaient servi pour construire un palais, qui trônait au sommet d'une dune sableuse rouge haute de 10 km. Le tout donnait l'impression qu'une grève avait éclaté et que les habitants de la planète naine se rebellait face à leur chef oppresseur.
Le palais se mit soudainement à bouger et les méduses fusionnèrent pour ne plus faire qu'un : un combat entre le palais de chair et la méduse de fer allait commencer. 
Je n'étais pas seul pour suivre l'évolution de mes cobayes ; j'avais créé le BORDEL ( Bureau Opérationnel de Recherche et de Diagnostic ExtraTerrestre Lymphatique ) . Il couvrait 100 pays et n'avait ni symbole, ni devise, et personne dans ce groupe n'avait le pouvoir de le diriger. C'était une des créations d'une cobaye féminine , une pâtissière américaine aveugle, qui avait choisi la Terre comme planète d'expérimentation et des personnes de mon entourage comme population. 
Chaque mois, nous nous réunissions pour procéder au vote pour trancher si oui ou non une expérimentation jugée critique devait disparaître. Cette fois-ci, il s'agissait de ce que j'avais observé depuis N5. Celà faisait 6 mois que ces rebellions ne menaient à rien, selon moi. 
"Il semblerait que ce soit un moyen de communiquer plus subtile que la barbarie apparente de ces pugilats laisserait penser", affirma un des membres.
"Non !" Le silence se fit dans la salle de réunion. Cette voix provenait des hauts-parleurs de mon portable. Elle appartenait à une goutte d'eau , aillant une forme féminine. C'était le cobaye de la capsule K7, qui était initialement une prostituée cubaine. 
"Nous ne supportons plus vos interprétations fumeuses et dégradantes. Nous, les cobayes, décidons en ce jour de tout abandonner et de nous allier pour vous détruire, vous tous et toutes, et particulièrement vous , professeur N'Diaye"
Cette voix cristalline faisait froid dans le dos. Soudain, toutes les webcam s'éteignir et une vibration puissante nous traversa le corps et faisait siffler nos tympans. Dehors, des milliers de personnes courraient dans tous les sens, telles des fourmis après la destruction de leur habitat.
"Nous sommes des êtres primitifs et fiers de l'être; notre raison d'être est la destruction", la même voix du portable venait du ciel maintenant.
Je n'aurais jamais imaginé que mon projet allait prendre une tournure apocalyptique et me condamner à faire un choix cornélien : laisser l'expérimentation se poursuivre jusqu'au bout, ou détruire les embryons d'écosystèmes extraterrestres pour éviter une fin imminente atroce.
Soudain, une phrase de cette telenovela me revint en mémoire : "Le jour où tu as décidé que l'avenir devait être parfait pour toi, tu as détruit tout espoir d'un avenir meilleur pour les autres" 
J'avais donc tout faux, depuis le début : croire qu'on peut changer l'humain était un leurre. J'aurais du soigner ma folie des grandeurs depuis le début.
J'ouvris les yeux. Le calme était revenu, mon chat réclamait son lait. Je sortis de mon lit, me fit une tasse de café et la bu dans le jardin. 
Je pris mon smartphone et rappelait pour la première fois depuis 15 ans mon psychanalyste ; j'avais tout un passé à comprendre et un avenir à me reconstruire.

 

L.P.

Anchor 15122015

Une nuit de novembre, alors que le tonnerre grondait,
Je m'offrais quelque repos bien mérité d'avoir lutté le jour contre les inégalités.
Dame Eglantine vint me réveiller, sentant la peur qui l'avait l'envahie,
Notre môme venait de tout expectorer son repas, quel gâchis.
Peu coutumier du nettoyage post-apocalyptique, je rechignai à la tâche
Priant pour que, cette fois-ci, j'userais pour la dernière fois de la lessive Dash
La nuit suivante, le même désastre m'amena à de nouvelles réjouissances
M'interdisant de ce fait de profiter de ma douce pour une soirée de jouissance.
Décidé d'en finir, je m'en allai quérir un médecin réputé
Pour ses miracles, tant sur des lépreux que des estropiés
A son chevet, il se mis à l'ausculter, le palper et le faire respirer
Il fit une profonde grimace, signe d'un diagnostic qui allait s'annoncer
Intolérance à la pomme de terre, le verdict tomba
Je l'annonçai à ma dulcinée, celle-ci s'effondra
Le seul remède à ces maux était de trouver une incroyable bûche
Qui, une fois brûlée, ferait fuir le démon, telle une guêpe dans une ruche
Le devin du village connaissait le chemin pour la trouver
Je pris mon bâton et partis à sa recherche, avec mon fidèle lévrier
Arrivé devant le château qu'on m'avait indiqué, je dépliai la lettre
Du médecin contenant une formule à réciter, écrite à l'encre magique de Tertre
Je la prononçai lentement, quand la porte s'ouvrit toute grande
Je vis la bûche briller, la pris aussi religieusement qu'une offrande
De retour, je vis dans sa chambre le petit livide et agonisant
Le bois brûla, un odeur piquante s'exhala, il se leva les yeux pétillants 
Mon fils revenait de loin, c'en était fini de cette malédiction
Attablés devant une livre de purée, nous fêtâmes ce moment de surconsommation.

 

L.P.

Bois salvateur

Nous voilà seuls devant cet immense terre ocre, sous un ciel noir. Mon cheval avait repris des forces et une nouvelle journée de prospection nous attendait. Ayant bu mon litre de ce lait stérilisé qui avait plus le goût de chlore que de véritable lait, j'avalais une gorgée de whisky pour faire passer l'aigreur matinale. Il faisait déjà 50 degrés au levé du jour. J'enfilai ma vieille tenue de marsonaute et tirai le rideau qui séparait la tente de l'extérieur.
Je me surpris à contempler le paysage grandiose qui défilait devant mes yeux : les dunes aussi hautes que des buildings de 25 étages à perte de vue, des grues de plus de 100 mètres de long et des milliers de travailleurs avec, pour simple appareil un masque relié à une énorme citerne de plus d'100 000 litres d'oxygène, tout çà pour un nouvel Eldorado.
Je me rappelle encore des mots du gouverneur : "Notre pays ne tiendra pas encore 10 ans. Nos scientifiques ont créés en secret une station spatiale pour que nous, derniers représentants de l'espèce humaine, puissions continuer à vivre". Et trente ans déjà que je parcours cette planète à chercher de quoi tenir une année de plus pour celles et ceux qui ont choisi de ne pas crever bêtement sur Terre. Je n'avais pas à me plaindre : nourriture synthétique terrestre à profusion, logis gratuit et une paie conséquente, qui me permettait de vivre avec ma femme et mes 3 enfants. 
Les premiers kilomètres furent relativement habituels mais, arrivés à un lancer de nains du dernier checkpoint, une dizaine d'individus, armés de sabre laser, descendirent de leur monture, des chiens hauts comme des dromadaires.
- La bourse ou la vie, cavalier ! dit un homme, à qui il manquait un oeil, remplacé par une webcam. 
Je n'ai pas pour habitude de me laisser faire. N'ayant pas une folle passion pour les discussions, j'avais pris la peine de m'équiper de ces vieilles armes terrestres qui, au fil du temps, s'avèrent très utile car personne d'autre que moi ne sait s'en servir. 
- Avec çà, c'est tes bourses et ta vie qui risquent fort de ne pas apprécier.
Je tirai à six reprises dans leur direction. Une seconde vague de brigands sortirent d'un tas de ferraille, vestige des premiers colonisateurs.
Histoire de les dissuader pour de bon, j'ordonnais mon cheval d'exécuter une ruade en direction de l'un d'entre eux, ce qui eux pour effet, en plus de la faible gravité, de les faire voltiger sur plusieurs kilomètres.
Une heure plus tard, mon périple s'arrêta net. Je ne me souviens plus de rien, jusqu'à mon réveil , attaché à une corde par les pieds dans une pièce à peine éclairée par un néon. 
J'entendis une porte s'ouvrir et s'approcha de moi un robot, qu'on croirait venir tout droit d'un film de science-fiction du 20ème siècle.
- Vous m'obligez à faire preuve d'improvisation, et pour çà, vous périrez en ces lieux !
Du fait de ma position légèrement inconfortable, je mis un certain temps avant de le reconnaître : Saceljet, le plus grand criminel d'humains, avait encore une fois voulu m'éliminer. 
- Votre jalousie viscérale vous perdra, mon cher Saceljet ! J'ai toujours un cran d'avance, n'oubliez jamais çà !
J'eu le temps de me détacher et lui administrai un coup de pied sur le crâne, le faisant vaciller sur le dos, et les chenilles lui servant de moyen de locomotion firent un bruit strident, comme pour crier à l'aide.

 

L. P.

Captain Planet Mars
Anchor 30112014
Anchor 24112014
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