top of page

Timide, c'était comme ça que je suis arrivé au bureau pour la première fois. Je portais maladroitement un costume de prêt. Les manches de la chemise blanche dépassaient de celles de la veste marron.

Les regards de la grande salle de travail se tournaient vers moi, comme si j'étais l'homme tant attendu.

Ma main droite serrait la poignée de la valise noire que l'homme de l'accueil m'avait fourni. Une goutte de sueur coulait le long de mon bras.

- Voici votre bureau. N'oubliez pas de fermer la porte à clés chaque fois que vous en sortez. On ne sait jamais. 

Son timbre de voix était neutre. Il tourna les talons et reprit le chemin inverse, en direction de l'accueil. Je pouvais sentir son énergie, se dissiper, comme une traînée de mazout brûlée par les réacteurs d'un Boeing.

Je commençais à m'installer dans mon nouvel univers qu'une jeune femme, la vingtaine bien entamée, s'approcha de moi. Son aura fruitée m'envahit soudainement, par le biais de ses mains, qu'elle posa sur mes hanches.

- Enfin, te voilà.

- Je ne penses pas que nous nous connaissions, mademoiselle.

- Idiot, c'est moi, dit-elle en transmettant à présent un flux d'énergie à base de rose.

Je la reconnus effectivement.

- Excuse-moi, Anny, la prochaine fois, identifies-toi directement.

Elle sortit son petit rire , léger et aiguë, qui me faisait toujours sourire béatement, tant il lui donnait un peu plus de charme à sa personnalité.

- J'espère que tu ne viens pas que pour te frotter sournoisement contre moi, soupirais-je.

- Ne te fais pas de souci, je dois t'expliquer le détail de ta mission. Mais mes contractions ne vont pas tarder à se déclencher. Je te laisses. A dans deux heures, mon chou, et sois sage.

- A plus tard.

Elle quitta le bureau, filant tout droit vers son poste d'émission.

Les deux heures passèrent comme une flèche. Mon poste venait à peine d'être branché sur le réseau que midi sonna.

La lumière de la grande salle vira au blanc intense, contrastant avec l'ambiance bleuâtre qui régnait jusqu'alors.

Anny et moi sortîmes de l'immeuble et nous dirigeâmes vers le restaurant, qui se trouvait juste en face.

Un vigile nous envoya sa phéromone de contrôle. Je lui renvoyais à mon tour ma phéromone d'identification. Encore un de la vieille époque.

- Faisons vite, je n'ai qu'une heure de pause aujourd'hui.

Elle prit un plateau et y déposa le strict nécessaire : plat du jour , une bouteille d'eau et une laitage.

- Tu ne prends rien pour toi ? lui dis-je.

- Non, j'ai ce qu'il me faut dans mes poches.

Elle paya pour moi et nous nous asseyâmes dans un coin peu visible de la salle de restauration, à l'abri des regards.

Je pris mon repas tranquillement, sans éveiller la curiosité des employés qui commençaient à prendre place.

- Maintenant, nous pouvons discuter. Ton arrivée achève celle de dix nouveaux agents. Personne, à part moi et toi, n'est au courant de la vraie mission qui t'est affectée.

- Bien, je t'écoute alors.

- Ton pouvoir est unique. Il permet de détecter les criminels et de connaître le moindre de leurs intentions. Je diriges actuellement une mission qui doit identifier les futurs criminels dans les maternités.

- Tu veux dire que tu m'as recruté pour trouver des poupons tueurs ?

- A peu de choses près, oui. Ils ont un fluide qui est perturbé , irrégulier. Je peux détecter ses perturbations mais uniquement lorsque mes contractions cardiaques sont à 25 pulsations par minutes. Toi, tu es capable de les détecter sans avoir à attendre ces contractions. 

- J'ai donc plus de chances que toi de faire le boulot ? Et les autre recrutés ? 

- Ce sont des diversions pour que les journalistes ne se doutent de rien. Ils finiront comme cobayes.

- La mission commence quand ?

- Dans un mois, jour pour jour. La date n'a pas été choisie au hasard ; elle correspond à la date de ta naissance.

- Tu connais bien mon dossier, c'est étrange. Je pensais qu'il fallait être au sein de la Direction pour avoir les détails.

Une petite musique teintée de blues se fit entendre. C'était le commis qui avait ouvert la porte de la cuisine et passait devant nous, un plateau de pommes de terre dans les mains. Son fluide était rouge et brûlant. Son regard se posa sur moi ; sa colère était manifeste et fit renaître en moi des souvenirs peu glorieux. 

L'homme jeta son plateau sur Anny et pointa une arme, dissimulée dans une de ses manches. J'eu le réflexe de prendre une des fausses plantes derrière nous et de les lui envoyer au visage.

Mais c'était sans compter les siens, bien plus précis que je ne l'aurais imaginé. 

Il devait avoir le gène XD sous sa forme dominante. Mais mon fluide s'empara assez facilement du sien, et l'homme dû lâcher son arme. Je le fis s'agenouiller et lui extirpai son fluide. Anny se releva péniblement et le fit glisser, maintenant mort.

- Si tu n'avais pas été là, je serais morte. J'espère que cette mission se finira avant le déclenchement de ma grossesse. Je comptes sur toi pour que tes pouvoirs sauvent l'humanité.

Ma mission n'allait visiblement pas être facile, et les espions, à coup sûr, ne lâcheront rien. 

 

 

 

L.P. 

Fluide fatal

Ancre 08042016

Je soulevais lentement la tasse de café qu'avais eu la délicatesse de m'offrir le comte, fraîchement élu à la majorité absolue.

- J'admire votre prestance et votre éloquence, si riche de connaissances et de bon sens, fait de vous un homme digne de ce poste, lui dis-je après avoir avalé la gorgée d'arabica chaud.

Il prit un temps avant de répondre.

- Je vous remercie bien, mon jeune ami. Je tiens aussi à me montrer élogieux à votre égard. Votre généreux soutien aura été pour beaucoup dans ma victoire et je souhaite vous en être reconnaissant le plus longtemps possible.

Il faut dire qu'en l'espace de quatre mois, il était passé de 5 à 25 % des intentions de vote lors des préparatifs à l'élection à la tête du comté de Flandres.

L'équipe de campagne avait pourtant pris forme à la va-vite.

- Une autre tasse, mon cher ?

- Non merci, comte, répondis-je en posant la tasse sur sa soucoupe, ornementée des lions de Flandres.

Etonnamment, j'avais du mal à me faire à ce titre. Mais il ne fallait pas y penser ; l'heure n'était plus à la réflexion mais à la joie.

J'esquissais un sourire, comme pour me rassurer sur mes intentions. Celles qui devaient compter, en tout cas, si je ne voulais pas finir sur un vaisseau, attaché au mât et le visage fouetté par les vents violents de l'Atlantique, direction les terres éloignées du Nord.

- Mon cher, votre mission à mes côtés sera d'une grande importance. Le roi de notre confédération doit maintenant être élu et nos divisions ne sont toujours pas résolues. Les nouveaux comtes du Brabant, de l'Artois, et celui de la Picardie doivent s'entendre sur un nouveau moyen de faciliter le commerce entre leurs territoires.  Vous seul pouvez faire quelque chose pour en finir avec leurs querelles.

- Votre requête me va droit au coeur. Je serais honoré de résoudre les conflits internes qui gangrènent nos peuples. Quand dois-je commencer ?

Mon coeur battait à toute vitesse et percutait mes côtes. 

- Dès demain, vous devrez vous rendre à Amiens, où il faudrait prendre la place du chef du gouvernement des Trois Régions pour enterrer la hache de guerre, puis-je dire.

- Demain ? Mais, c'est qu'il y a bien 3 jours pour y arriver ...

- Ne vous inquiétez pas, la Flandre a les moyens de vous y emmener pour demain. Nos ingénieurs ont construit un bateau qui pourra vous transporter sur place.

Un bateau ? Moi qui pensait que seule la région picarde avait en sa possession une flotte navale digne de traverser les eaux de la Scalpie. 

- L'ufologie a reçu des crédits venant de mes fonds propres. Il faut bien qu'un nouveau comte commence à prendre les décisions nécessaires à la bonne tenue d'un comté, vous ne pensez pas ?

Les Unités de Flottaison Organisées ont leur science et notre retard dans la science doit être comblé.

Le pouvoir de cet homme semblait sans limite. Je ne devais pas refuser.

Le soir même, j'étais à bord d'une frégate à quatre voiles. Le commandant n'était autre que mon frère. Je le rejoignis à la barre.

- Notre rêve va bientôt se réaliser, frère, lui dis-je, le sourire dans les yeux.

- Ne crie pas trop vite victoire. Connais-tu au moins ces trois comtes ? Je ne crois pas que tu sois le bienvenu chez eux, il va falloir jouer de toute ta ruse pour présider cette réunion sans te faire remarquer. Ils vont facilement te reconnaître si tu y vas sans précaution, et tu peux dire adieu à notre plan pour poursuivre la Grande Réunification.

- Tu as raison, frère. Ta sagesse me surprend toujours.

Il portait une fleur de cosmos sur sa veste bleu marine. Il me la donna.

- Prends-la, elle te portera chance. Ne la perds pas. Les fleurs ont un pouvoir sur nous qui nous dépasse et peuvent nous aider à accomplir des miracles.

Je fixais la fleur sur ma veste. Il poursuivit.

- J'ai rencontré dans un village mexicain un jeune chef de tribu qui avait su extraire des pouvoirs dans les fleurs. Son village vivait en paix et il me disait que c'était grâce à ces pouvoirs. Il ne m'a pas dit comment, j'ai dû partir avec ce mystère dans un creux de ma mémoire.

- A mon avis, s'il fallait que je me fies au soi-disant pouvoir des fleurs, je ne pense pas avoir la moindre chance de gagner la confiances des trois comtes. 

- Pense ce que tu veux. Moi, j'y crois. Et tu devrais y croire.

- J'y réfléchirais quand je serais sur place. Bonne nuit.

Je m'en retournais dans un coin de la frégate qui avait été aménagé en chambre. Un luxe inimaginable il y a encore deux ans. 

Le sommeil ne tarda pas à me gagner et me mis à rêver, encore et toujours, de pouvoir. Je me prenais pour l'homme qui allait conquérir la planète entière. 

Je me réveillait le lendemain matin. J'avais un tête de martien quand mon frère hurla que nous étions arrivé au port d'Amiens.

Le plus dur était à venir.

 

L.P. 

Les bons comtes font les bons amis

Ancre 19042016
bottom of page