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Ma mission aurait pu se résumer en un seul mot : zénitude.

Depuis que le médecin m'avait annoncé la bonne nouvelle sur l'état de santé de mon coeur, il fallait absolument éviter que mes occupations et mes rencontres se fassent sous le joug du stress.

Le programme qu'avait établi ma fille, diététicienne-nutritionniste, avait, d'après elle, fait ses preuves chez le peuple inuit d'Alaska, alors oppressé par les colons anglais dont la colonisation était concomitante à la Révolution française.

Il était découpé en 6 tranches :

- Tranche 1 : lâcher-prise. Pour se faire, elle m'avait recommandé de lire "Sérendipité : la révolution culturelle du 22ème siècle". Sans oublier les exercices de relaxation matinaux. Elle affirmait que les plus grandes inventions furent le résultat de cette phase d'oubli de soi et d'ouverture à autrui. Oublier, désapprendre, accepter, voilà des mots qui m'étaient étrangers et que je devais apprivoiser.

- Tranche 2 : communion. Elle disait que dialoguer avec la nature devait me permettre de créer de nouvelles connexions, plus solides et plus sereines avec mes racines. Voulait-elle par là me faire comprendre que je devais faire la paix avec mes parents ?

- Tranche 3 : confiance. Tous mes petits rituels : première cigarette du matin, verre de pastis à onze heure trente-cinq, café à quinze heures, liqueur de pêche à onze heures du soir partirent aux oubliettes, non sans mal. La psychologue considérait que ces habitudes représentaient autant de grigris qui empêchaient mon cerveau de m'ouvrir à mon vrai moi et aux autres, par peur de découvrir qui j'étais réellement.

- Tranche 4 : discernement. Mes séjours dans les bars, en quête d'évasion, m'avaient rendu ivre de tout : rebellion, théoricien de thèses complotistes en tout genre, j'usais et j'abusais des amalgames en matière de religion, civilisation et voulait toujours avoir le dernier mot.

- Tranche 5 : curiosité. Le jour où mes fréquentations douteuses ont cessé d'être la règle pour laisser place à des activités plus intellectuelles ( sans pour autant cibler des domaines scientifiques pointus ), je fis le tri dans mes relations.

- Tranche 6 : plaisir. Mes années à porter l'uniforme, à manger uniquement aux heures réglementaires, n'avaient pas aidé quant à ma quête du plaisir des sens. J'avais donc droit aux séances de toucher les yeux bandés, de même qu'au dégustation à l'aveugle. Ma fille alla même jusqu'à me faire marcher sur des braises. Mais la douleur était un mal pour un bien. 

La thérapie pris fin au bout d'un an et ce soir fut le couronnement de ses souffrances endurées, mais qui en valaient la peine, au regard des changements qui s'étaient opérés. J'arrivais enfin à supporter les bibelots kitsch de ma femme.

 

L.P.

Bibelots la phobie

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