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Une vague de meurtres s'était abattue sur la ville. Un tordu se balladait depuis trois mois sans que personne ne sache à quoi il ressemblait.

Ma soeur, qui travaillait à la police de San Francisco, ne savait plus où se mettre quand il s'agissait de se rendre sur les lieux d'un nouveau crime.

Qui était derrière tout ça ? Quel mobile pouvait bien justifier d'étrangler ses victimes en achevant son meurtre d'une marque à l'allume-cigare sur le front ?

Je venais, comme d'habitude, interviewer l'inspecteur général, qui mettait toujours plus de temps à rendre ses premières conclusions.

Rien n'avait vraiment avancé dans cette affaire. Ma patience commençait à atteindre la limite du supportable, davantage par le fait que mon patron souhaitait un article fourni d'éléments tangibles que les éternelles hypothèses dont la crédibilité s'amenuisait au fil des semaines.

- Walter, si je n'ai pas le moindre nouvel indice sur ce tueur en série, nous risquons un mois de juillet difficile à supporter. 

- Monsieur, si vous essayez de faire de l'humour, moi j'essaye de faire mon travail. Mais si vous aviez était sur le terrain plus souvent, vous comprendriez que mon désarroi n'est pas feint.

- Je vous donne encore une semaine, Walter, pour me trouver des éléments tangibles et c'est plutôt votre douleur que vous comprendrez.

Je me dirigeais vers la sortie. Les litres d'eau que je m'étais enfilé pour supporter la chaleur torride ne tardèrent pas à réclamer une sortie et je dû faire demi-tour pour aller vers les toilettes.

Je pris la direction des toilettes fermées. Au moment de poser mes fesses sur le trône, mon attention fut mis à contribution à tout autre chose qu'à mon forte envie de miction ; j'entendis des claquement de pas. Puis un grincement de porte, un fermoir qui coulisse péniblement et, contre tout attente, un coup de téléphone.

"Kyle ? Oui, c'est moi. Il va falloir se dépêcher. Le jeune pigeon ne doit rien savoir sur ce gars. S'il vient te voir, tu la fermes. A demain."

Tout se déroula alors à l'envers, du grincement du fermoir aux claquements de pas.

Je pus me remettre à vider ma vessie. Mais je ne pouvais m'empêcher de penser à ce que cet homme venait de dire. Etait-ce de moi dont il parlait ? Pourquoi avais-je intérêt à ne rien savoir ?

Je pus rentrer chez moi au cinquième étage. Ma tempérance était mise à rude épreuve, la chaleur nocturne me poussait à m'enfiler trois bières. Je dus me résoudre à étancher ma soif au bar qui faisait le coin à côté de l'épicier bio, tenu par un pakistanais homosexuel.

A l'évidence, la chaleur avait poussé tout le quartier à ce diriger dans ce bar. Les fûts vides s'alignaient à l'extérieur.

La télévision hurlait les dernières nouvelles, dont celles sur le nouveau cadavre découvert. Les images mettaient en scène la police scientifique, ainsi que les agents de police qui s'occupaient du périmètre de sécurité.

Mais quelque chose m'intriguait. J'attendais l'édition de minuit trente pour revoir le reportage.

Le présentateur, les séquences extérieures, l'interview de l'inspecteur Smith. Tout semblait convenir. Je recommandais une bière quand mes yeux s'ouvrir grand. 

Je retournais ma tête vers l'écran ; il était bien là. Le directeur du journal avait pris la place du journaliste habituel. J'aurais dû m'apercevoir de son profil ectomorphe plus tôt mais le maquillage et le postiche étaient plus vrai que nature.

Le lendemain matin, je pris un taxi pour me conduire à la chaîne de télévision de South 9, qui retransmet les ​bulletins d'informations en continu.

Je traversais le hall d'entrée et attendis l'ascenseur. L'étage du directeur de la rédaction fut vite atteint. La porte s'ouvrit lentement et un immense bain de lumière envahissait le bureau grand ouvert du directeur.

- Sauf votre respect, vous devriez améliorer la phase de recrutement de vos journalistes. L'un d'entre eux a visiblement du mal à cacher sa nervosité. Vous voyez sans doute de qui je veux parler, monsieur de directeur ?  Ou plutôt monsieur, tout court ?

L'homme se tourna et je pus repérer ses traces de maquillage.

- Vous, ici ? Vous n'en avez pas assez du travail d'inspecteur, il faut en plus que vous fassiez des heures supplémentaires à la télévision ? dis-je, la main sur la crosse de mon arme de service.

- Bien vu, mon cher. L'information, c'est le nerf de la guerre. Et plus elle se fait rare, plus elle rapporte. Le public est friand de suspense. Si on leur dévoile tout tout de suite, l'information perd de son importance.

- Vous confirmez donc que ces meurtres sont de votre fait ?

- De mon fait ? Absolument pas. Il n'y a pas d'indices et la chaleur accélère la décomposition des corps, ce qui fausse les horaires de mort. Par contre, j'ai gagné un peu de sociabilité et de notoriété. Les gens se retournent et me reconnaissent. Croyez-vous que j'ai envie de connaître l'issue de cette sordide affaire ? 

Qu'il continue, bien au contraire, les miennes n'en seront que meilleures.

- Il est un peu tôt pour les vannes pourries, monsieur, dis-je en me rapprochant de lui. Votre imposture pourrait bien faire de nouvelles victimes. 

Le faux directeur s'approcha de la fenêtre et l'ouvrit vers l'intérieur.

- Je vous ai déjà dis que celà m'était égal. Je n'ai plus de compte à rendre, ni au public, ni à vous.

La seule personne qui aurait pu être au courant de mes actions était ma femme. Mais elle a été assassinée par ce type. J'ai tout perdu à cause de lui. J'ai mené mon enquête et je sais qui il est. Mais je ne voulais pas tout révéler. J'ai donc organisé la diffusion et la présentation de ses méfaits. 

- Vous jouez comme un chat qui joue avec une souris morte.

- Exactement. 

Il posa alors un pied sur le rebord de la fenêtre. Je me jetais vers lui pour l'empêcher de réaliser un acte irréparable mais il était trop tard : l'homme sauta et vint s'écrasa sur l'immeuble d'en face, trois étages plus bas.

L.P

Double focale

Ancre 21022017

L'humidité du sous-sol ne faisait qu'augmenter. Les murs de briques noirs lézardés laissaient perler en continu la condensation.

Un bidon d'essence me fut apporté par un gros molosse. A le voir, il semblait être sorti d'une salle de musculation : sa poitrine se soulevait et s'abaissait, comme s'il reprenait son souffle et son corps sentait la transpiration.

- Monsieur, c'est le dernier. J'ai fait aussi vite que j'ai pu car la station-service allait fermer.

- Très bien. J'espère que ce sera le bon, cette fois-ci. A demain.

Il prit les escaliers ; son souffle résonnait encore à l'étage.

Il portait sur le couvercle une colombe blanche. J'ouvrit le bidon avec un pied de biche. Le couvercle roula sur quelques mètres et tomba sur le sol et fit briser un vieux carreau en verre.

Il plongea ses mains, puis ses avant-bras et fixa son regard sur le reflet du liquide. Les irisations qui se déplaçaient à la surface du liquide autour de ses coudes.

La vitesse d'exécution de cette danse accéléra et une gerbe d'essence s'éleva jusqu'au plafond du sous-sol. Elle s'immobilisa puis prit la forme de la même colombe. Son bec s'ouvrit et un chant mélodieux en sortit.

"Julius, fait de plumes et de sang

Engage ton vol vers le firmament

Oublie la terre et embrasse le ciel

Tu deviendras son ambassadeur charnel"

C'est sur cette dernière phrase que, moi, le dénommé Julius, 27 ans, condamné aux travaux forcés pour le meurtre de son employeur, le directeur d'une usine de clonage de perruches, déclenchais ma transformation. 

J'hurlais de joie. Mon corps tout entier s'était paré d'une multitude de plumes multicolores ; j'étais devenu un paon.

- Où étais-tu passé depuis tout ce temps ? dit l'oiseau multicolore

- J'attendais de te trouver, lui répondis-je, tout en inspecta avec satisfaction mes nouveaux atours.

- Maintenant que tu es un des nôtres, il va te falloir retrouver ta liberté. Mais cette fois-ci, je ne peut rien pour toi, il te faudra te débrouiller seul avec ton nouveau corps. Adieu !

L'oiseau ondulent rejoignit le bidon sans un bruit.

Soudain, un nouveau molosse fit son apparition. Il tenait un martinet et semblait en vouloir à ma vie.

J'avais repéré le carreau sur le sol ; je tournais la tête et vit un trou, qui semblait avoir la même taille que celui du carreau. Je n'étais pas très grand pour un paon. Il fallait le désarçonner, le mettre en difficulté.

Le molosse semblait ne pas assumer pleinement son statut et , de surcroît, ne savait pas se diriger dans l'obscurité.

Le mien fut vite un avantage et je sus le diriger vers un des murs en le faisant courir pour qu'il me rattrape.

Une fois à terre, j'en profitait pour m'échapper par le trou. 

Je fis quelques centaines de mètres et me posais prêt d'un étang. Une cigogne se tenait debout parmi les roseaux, sous une lune étincelante.

- Tu en as mis du temps ?

- Je sais, mais il fallait que je trouve le bon.

L.P.

Le phoénix de Phoenix

Ancre 07032017
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