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Ancre 06072017

Au Temps en emporte  l'espérance

La jeune femme, une étudiante, approcha le cornet de la boule de vanille et, d'un geste souple, déclencha la chute de cette dernière dans l'ouverture sphérique de la gaufre.

- Ca fera deux euros, s'il vous plaît.

Je fouillais dans ma poche droite de pantalon ; je savais qu'il y avait suffisamment pour me payer cette glace, ainsi qu'un café au lait.

Mes doigts se balladèrent pendant quelques instants ; elle accrochèrent enfin à deux pièces. Je les soulevaient et les tendis à la jeune femme.

- Merci monsieur, bonne journée.

Je m'essayais à la terrasse du glacier ; je sortais un carnet à spirales de ma sacoche, ainsi qu'un crayon à papier. En levant les yeux au ciel, on y voyait des étendues roses sur les nuages. Ils formaient un dessin d'une beauté inégalable, que mon regard ne pouvait difficilement y trouver à redire.

J'entamais la dégustation de mon cornet. L' équilibre parfait entre le fondant et le croquant partait inexorablement en déconfiture à chaque nouvelle bouchée. 

Une fois arrivé au bout du cornet, j'aimais à le tremper dans le café, dans lequel j'y versais un peu de lait. Je m'en servais comme d'un pinceau pour créer des spirales blanches, comme si c'était de la peinture alimentaire.

Malheureusement, mes esquisses finissaient par disparaître : les deux couleurs fusionnaient fatalement pour évoluer vers un marron clair, que je devais homogénéiser avec la cuillère, l'extrêmité

du cornet n'étant plus qu'une pâte peu ragoûtante que je jetais aux oiseaux, de passage à proximité de ma chaise.

Trois quarts d'heure venaient de s'écouler que déjà, la jeune femme dut procéder au rangement des tables.

- Si vous voulez, vous pouvez vous installer à l'intérieur.

- Merci, mademoiselle.

Je me dirigeais vers le seuil de la porte quand quelques gouttes d'eau se mirent à tomber.

- Vous avez de la chance, monsieur, la pluie arrive.

- Enfin ! hurla un vieil homme.

- Et pourquoi donc, monsieur ? lui dis-je, interloqué ?

Je viens m'asseoir face à lui et, entamant sa troisième bière, me racontant qu'il n'avait pas plus depuis trois mois et que, dans le même temps, une canicule prenait ses aises.

- Les écritures l'avaient annoncées, cher monsieur. Pourquoi êtes-vous surpris ? lui répondis-je, après avoir commandé la même bière que lui. Son discours m'avait donné soif.

- C'est qu'un drame, plus grand encore, va bientôt arriver mais celui-là n'est pas dans ces fichues écritures. 

- Mais, tout le monde vous dira que les Ecritures ne mentent jamais. C'est le roi lui-même qui les écrit. 

- Le roi ne fait que retranscrire que ce que des dizaines d'Oracla calculent en permanence. Le problème vient d'un des Oracla. Une défaillance, pourrait-on dire. Et ce phénomène ne fait que débuter. D'autres vont progressivement tourner de l'oeil et générer des prédictions erronées.

- Vous devriez surtout débuter un sevrage : l'alcool vous monte à la tête.

Je me levai et déposai un billet de vingt euros sur la table. 

- C'est pour moi. Bonne soirée et ne vous en faites pas trop.

- La nuit porte conseil, cher ami.

Une fois rentré à mon appartement du trentième étage, je voyais des fenêtres les nuages qui semblaient foncer droit vers le soleil pour en finir avec sa clareté bienveillante.

L.P.

Une vanne s'ouvrit. Des trombes d'eau se déversèrent dans le bac rectangulaire, à ma droite.

- Ne bougez plus, sinon d'autres vannes risquent de s'ouvrir.

Il ne fallut pas plus de cinq minutes pour voir le bac plein.

Nous osâmes à peine respirer. Les boutons de l'immense console continuaient à clignoter tranquillement.

Soudain, un pan du mur en briques s'éleva, laissant apparaître une machine, qui se mis doucement à avancer vers nous.

Une improbable voix surgit de la machine, la faisant vibrer :

- Cette machine surveille vos battements cardiaques et votre fréquence respiratoire. Tant que les deux niveaux restent dans le vert, il ne vous arrivera rien. Mais si vous passez à l'orange, je ferais torpiller vos bateaux un par un. 

- Et si nous passons au rouge ? demandais-je, tentant de dénouer les liens qui nous attachaient au mât.

- J'espère pour vous que cela n'arrivera pas. 

- Que voulez-vous dire ?

La machine fit demi-tour et rejoignit l'autre côté du mur en brique, laissant derrière elle le pan de briques.

- J'ai presque fini de nous couper les liens, dis-je doucement.

Celui ou celle qui nous avait attaché semblait s'y connaître : les cordes formaient un noeud celtique extrêmement complexe. 

- C'est sans doute un extraterrestre, affirma froidement Etan.

- Pourquoi pas un druide, tant que tu y es ! rétorqua Mathilda.

- Melle Jazz, je suis très sérieux, ce méchant n'a rien d'humain, même sa voix n'est pas humaine. N'importe robot a toujours une part d'humanité. Pas lui.

- Calmez-vous, notre niveau monte vers le orange, vous voulez vraiment savoir ce qu'il y a au rouge ? dis-je en enlevant enfin mes mains des cordages.

Le calme revint, comme après une tempête sur des voiliers blanc et bleu marine au milieu de l'Océan Atlantique.

Nos liens tombèrent et nous nous dirigeâmes vers la console. Etrangement, il ne comportait aucun bouton ni levier.

- Sans doute est-il contrôlé par la voix, dit Mathilda.

- Essayons. Console, ouvre la porte !

- On dirait des mariniers devant une écluse, laissez-moi faire. dit Etan. CONSOLE, OUVRE-TOI !

La console continua ses clignotements. Pourtant, quelque chose avait changé. Je mis quelque secondes avant de comprendre.

- Elle nous parle en changeant sa façon de clignoter. Il va falloir comprendre son langage si nous voulons sortir d'ici.

Nous passâmes plus d'une demi-heure à la tester ; quand Mathilda posait des questions, j'observait son comportement. Je compris assez vite comment elle disait oui et non. Puis divers mots simples, comme clé, bouteille ou charrues.

- Il faut maintenant qu'elle nous indique comme sortir par le mur, affirma Mathilda.

J'étais épuisé par cette intense réflexion. 

- Comment une machine peut communiquer par clignotements, soupira Etan. Ce truc vient d'une autre planète, je ne vois que ça.

- Veux-tu bien cesser de parler d'extraterrestres ?

C'est alors qu'un signal sonore strident retentit. La porte en brique se souleva et fit réapparaître le robot.

- Vous venez de franchir la zone rouge. Veuillez me suivre.

Nous pénétrâmes dans une salle blanche après avoir traversé un couloir noir.

Une console du même genre que celui qui était dans la pièce était présent. Il clignotait de la même façon. Un robot communiquait avec lui en clignotant également.

- En tant qu'humain, vos émotions ont été mis à rude épreuve. Et ne vous ont pas aidé à trouver la solution. 

- Je vous l'avez bien dit, ce sont des extraterrestres ! nous chuchota Etan.

- Tais-toi, lui répondit Mathilda.

Le robot nous expliqua alors le sort qui allait nous être réservé. 

L.P.

Ancre 20072017

Casse-tête  extraterrestre

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