top of page

Il était encore en retard, comme la semaine dernière et comme la semaine passée et probablement qu'il le sera la semaine prochaine.
Il, c'était le chat qui annonçait les bonnes et mauvaises nouvelles de la semaine.
Nous étions tous agglutinés sur la grand'place, habillés proprement pour cette occasion hebdomadaire.

- Messieurs, dames, notre oracle arrive, annonça une voix dans un haut-parleur, fixé tout en haut du mât de cocagne.
C'est entouré de ses 2 chats du corps qu'il arriva, vêtu d'une longue toge verte. Sa tête était ornée d'une coiffe papale surmontée d'un oiseau doré.

Ils grimpèrent sur l'estrade, recouverte de drap rouge et noir. Des torches étaient allumées aux quatre coins de l'estrade. La nuit était tombée et toute la population était en attente de ces prémonitions.
Il se lissa les moustaches avec ses pattes avant. Il posa ces dernières sur le bord du bénitier rempli d'eau qu'un chat, tout de noir, vêtue de noir, avait apporté avant l'arrivée du « Docteur ».

- Pardon, excusez-moi, vous voudriez bien vous pousser, je dois monter, merci. La voix aigüe et femme m'interpella. Je me retournais et vis une jeune femme, habillée d'une redingote rose et blanche et d'un chapeau enrubané vert.
Une fois arrivée près de l'estrade, elle se tourna vers le public, et s'exclama :

- Ce chat n'a rien d'un oracle, il vous ment depuis le début.
L'oracle, qui venait de lever les bras pour lire ses prédictions, fixa la jeune femme et ordonna à ses sbires de ne pas intervenir.
- Dégage, sale sorcière, tu ne vois pas que personne ne t'écoutes, et tu n'as pas de preuve de ce que tu avances, j'imagines ?
- Justement, je vais vous prouver que ce chat abuse de votre crédulité, que ce n'est qu'un champagné et, à ce titre, mérite seulement qu'on le pende haut et court.
La jeune femme fit une pause. C'est à ce moment propice que l'oracle s'adressa à la foule. Les sbires s'écartèrent de quelques pas en arrière.
- « Les orages grondent et les jonquilles fânent jusqu'à ce que la pluie et la lumière fassent taire le vent et la neige et ravivent le ciel d'un bleu intense et pur et fasse disparaître l'infâme poudrerie...» Sa voix, diffusée dans les hauts-parleurs, étaient dignes d'un prêcheur martiniquais. L'audience était suspendue aux paroles mystiques ; un écran géant retranscrivait en temps réel les révélations et les litanies qu'il psalmodiait entre chacune d'entre elles.
Pendant ce temps, la jeune femme, qui avait été écarté du public par deux personnes du public, rejoignit une taverne. Je l'avais suivi et emboîtais le pas lorsqu'elle pénétra dans la salle, où quelques hommes discutaient autour d'une cervoise.
Je m'installais discrètement à une table, suffisamment proche du groupe pour les entendre.
- Alors, ca a marché ?
- Non, ce fichu chat les hypnotise. Il va falloir y aller par la manière forte.
- Tu es folle, tu veux te mettre à dos tout le population ou quoi ? Non, il faut rester sur notre stratégie initiale : persuasion à répétition. Tu retournes la semaine prochaine. Mais cette fois, fais en sorte de rester plus longtemps.
Il ne m'en fallait pas plus pour comprendre leur projet. Je me levais de ma chaise et me dirigeait vers la sortie quand mon pied butta sur une chope, qui n'avait visiblement pas été remise sur le

comptoir.
C'est tout ce dont je me rappelles à mon réveil, dans une cave et pieds et poings liés sur une planche de bois.

 

L.P.

Un chat charlatan

bottom of page